Le pari du singe et du lièvre
Tout le monde sait que le singe ne peut pas rester un moment sans se gratter le corps. Tout le monde sait aussi que le lièvre, curieux qu'il est comme un journaliste, ne peut pas rester un moment sans se retourner à gauche et à droite pour voir ce qui se passe aux alentours.
Un matin, les deux compères se rencontrent, dans la forêt, sous un acacia. Le lièvre dit au singe:
- Est-ce que tu sais ce que les gens disent de toi? Eh bien, ils disent que tu ne peux pas rester un seul instant sans te gratter le corps. Il y en a même qui disent que ta mère t’a enfanté dans une fourmilière et depuis les fourmis sont dans ta chaire ce qui explique ça.
- C'est faux, répond le singe, moi je peux rester une heure, deux heures, vingt-quatre heures même sans me gratter le corps. Ils racontent n'importe quoi. Toi aussi avec tes longues oreilles qui semblent défier le ciel, est-ce que tu as entendu ce que les gens disent de toi, ha ha ha, ils disent que tu ne peux pas rester un seul instant sans te retourner à gauche, à droite et regarder en bas et en haut.
- C'est archi-faux, dit le lièvre, je peux rester une heure, deux heures, vingt quatre heures même sans me retourner.
- Alors faisons un pari pour vérifier ça, dit le singe.
- D’accord, répond l'autre.
- Mettons-nous l'un en face de l'autre, dit le lièvre, pour voir qui de nous deux restera le plus longtemps, toi sans te gratter ou moi sans me retourner.
Ils se mettent face à face et l'épreuve commence.
Au bout d'une bonne heure de concentration, pendant laquelle aucun n'a ni bougé, ni parlé, le lièvre dit:
- Si on se racontait des histoires pour meubler le temps.
- D’accord fait l’autre, vas-y, commence.
Le lièvre dit:
- Tu sais il y a longtemps, j’ai participé à une guerre! Si tu savais comment les balles fusaient. Elles nous venaient de tous les côtés, du côté droit, il se tourne vers le côté droit, les balles nous venaient du côté gauche, il se tourne vers le côté gauche. Le singe lui coupe alors la parole, en disant:
- Mais ça ce n'est rien du tout, moi j'ai participé à une guerre bien plus meurtrière encore où les balles nous tapaient sur la poitrine, et il se gratte la poitrine, des balles continue-t-il nous tapaient sur la cuisse gauche et il se gratte la cuisse gauche.
Brusquement le lièvre se met à sauter en criant:
- J’ai gagné, j'ai gagné, tu t'es gratté.
Et l’autre lui répond:
- Mais toi tu t'es retourné avant moi.
Depuis ce jour, quand il y a un pari manqué ; on dit que c'est le pari du lièvre et du singe.
Le premier qui respire ira au Paradis.