L'âne et le renard
Un jour, la fermière dépêcha l’âne pour porter deux agneaux jusqu’au pâturage sur la colline où les bergers les attendaient. Sachant que Renard Dhib serait aux aguets, la fermière multiplia les recommandations et l’âne promit d’être prudent. Justement, il trouva sur son chemin Dhib le rusé, étalé sur le dos et gémissant : « Aïe ! Aïe !»
L’âne, généreux et pacifique, lui demanda :
- Que t’arrive-t-il ?
- J’ai la patte brisée ! Aïe ! Pitié, porte-moi !
- Impossible ! Je transporte des agneaux et je sais que c’est là ton repas préféré.
- Je te promets de ne pas y toucher mais ne me laisse pas ainsi à la merci des bergers.
L’âne eut finalement pitié et l’invita à grimper sur son dos. A peine quelques mètres, et Dhib dévora le premier agneau. Il jeta ses os au loin. Le bruit attira l’attention de l’âne qui s’en inquiéta :
- Mais ? Qu’est-ce que j’entends là ?
- Ce n’est rien ! Ce n’est rien ! Ce sont les bergers qui se lancent des cailloux d’une colline à une autre.
Puis il dévora le deuxième agneau et jeta ses os.
- Mais ? Quel est donc ce bruit ?
- Ce n’est rien te dis-je ! Ce sont les bergers qui se lancent des cailloux d’une colline à une autre, continua le traître avant de bondir d’un coup et de détaler dans la campagne.
Pauvre âne ! Il comprit trop tard qu’il venait d’être dupé et dut affronter les bergers qui l’attendaient. Mécontents d’avoir perdu deux agneaux, ces derniers le rouèrent de coups. Et à chaque coup, l’âne jurait de se venger.
Le temps passa et l’hiver s’annonça particulièrement rude. La nourriture se raréfia et les animaux avaient faim. L’âne qui n’avait oublié ni la duperie, ni la bastonnade des bergers, un jour de grande disette et de grand gel, s’étala et fit le mort devant la porte du renard. En sortant la première, la renarde le découvrit. Elle revint vite sur ses pas et réveilla son mari :
- Lève-toi, le ciel nous comble. L’âne est mort devant notre porte.
Dhib sauta de son lit et se pourlécha les babines :
- Quelle manne ! De la viande fraîche ! Ma femme, vraiment tu ne m’annonces que de bonnes nouvelles ! Tu es mon porte-bonheur. Mais comment l’introduire dans la maison pour le découper ?
L’idée surgit de l’esprit de la renarde :
- Je vais attacher ta queue à la sienne et tu n’auras plus qu’à le tirer tout doucement.
Le renard acquiesça. Mais une fois les deux queues bien liées ensemble, contre toute attente, l’âne se releva d’un bon et fila à toute vitesse emportant son ennemi derrière lui. Traîné sur le sol gelé et caillouteux Dhib hurlait, implorait le pardon mais l’âne continua sa course. Il le promena longtemps afin que chacun puisse en rire. Puis il l’abandonna écorché vif sur le chemin tout en lui lançant :
- N’oublie jamais : L’âne est endurant, mais il ne peut supporter plus que de raison !