Drôle d'anniversaire


Drôle d'anniversaire




Pour fêter leur anniversaire de mariage, Compère Tig le jaguar et sa femme élèvent un cochon. La bête bien nourrie devient grosse et grasse. Jour après jour, Compère Tig salive à la voir s’arrondir de la sorte et n’a qu’une envie, la dévorer à lui tout seul.
Par une nuit bien noire, il se rend dans le parc à cochon, badigeonne l’animal de roucou, d’huile de wara, des pieds jusqu’à la tête en passant par les oreilles, sans oublier le bas du ventre.
Le lendemain matin, lorsque Madame Tig se rend dans le parc à cochon, elle pousse un cri d’effroi:
« Ah! Mon mari, regardez, il est malade notre cochon?»
Feignant la surprise, Compère Tig répond:
« En effet, il est bel et bien malade notre cochon, nous devons nous en débarrasser. De ce pas je m’en vais le tuer et l’enterrer loin de chez nous, dans la forêt.»
Et c’est ainsi que Compère Tig attrape le cochon, lui attache les pattes et l’embarque dans une brouette. Avant de partir, il se dépêche de placer quelques ustensiles de cuisine dans son katourido.
Après avoir longtemps marché, Compère Tig, un peu fatigué et surtout impatient de se faire une bonne fricassée, s’arrête. L’endroit est plutôt pas mal. Mais à peine s’est-il installé que des mouches envahissent les lieux.
Compère Tig reprend son katourido, enfourche sa brouette et poursuit son chemin. Peu de temps après, il s’arrête de nouveau, mais l’endroit est aussitôt envahi par des fourmis.
« Je n’ai pas fait tout ce chemin pour partager le cochon ni avec des mouches ni avec des fourmis», s’écrie-t-il.
Tig remet le chemin sous ses pattes. Après avoir longtemps marché, il arrive dans une petite clairière. Il n’y a ni mouches ni fourmis.
« Voilà l’endroit rêvé. Je pourrai enfin déguster le cochon.»
Compère Tig tue l’animal, le découpe, lui prend le foie, les poumons, le cœur, quelques belles côtes et se prépare une bonne fricassée. Lorsqu’il porte à la bouche son premier morceau de cochon roussi, il entend une voix résonner: « Tombé Mégwé, tombé!»
D’un coup d’un seul, Tig s’écroule par terre puis ronfle d’un profond sommeil. Massala, le maître des bois qui le surveillait, se rapproche alors de la marmite et dévore toute la fricassée. Quand il a fini, il prononce ces mots: « Lévé Mégwé, lévé!»
Tig revient à lui tandis que Massala disparait dans un épais nuage de fumée. Dans la marmite, il n’y a plus rien. Compère Tig rugit de colère.
Messié Kric – messié Krac
Bien décidé à ne pas se laisser piéger une seconde fois, Compère Tig aux aguets fait rôtir la moitié du cochon. La viande est maintenant cuite à point, le regard toujours à l’affût, Tig découpe une belle tranche et s’apprête à la croquer quand soudain il entend: « Tombé Mégwé, tombé!»
Tig pour la deuxième fois s’affale sur le sol, Massala s’approche du rôti et n’en fait qu’une bouchée. En partant il ordonne: « Lévé Megwé, lévé!»
Lorsque Tig se réveille, furieux, il peste et s’emporte contre lui-même: « J’ai fui mon logis pour dévorer ce cochon à moi tout seul, et voilà que quelqu’un d’autre se régale à ma place. Il faut absolument que je me débarrasse de cet indésirable. Aussi, je vais tout préparer et l’attendre de pied ferme, il ne sortira pas vivant de mes griffes et de mes dents.»
Avec le reste du cochon, Compère Tig prépare un colombo. Certain de démasquer le coupable, Compère Tig va se cacher derrière un arbre. Mais rien n’y fait, au bout d’une heure il est toujours derrière son arbre et le colombo est maintenant froid. Alors Compère Tig sort de sa cachette et s’écrie: « Comment? Vous ne venez pas? Je vais me mettre à table.»
En faisant mine de vouloir croquer un morceau de viande, la voix de Massala retentit: « Tombé Mégwé, tombé!»
Tig s’écroule pour la troisième fois. Massala s’installe et dévore tout le colombo. Quand il s’est bien régalé, le sourire aux lèvres, il prononce pour la toute dernière fois la formule magique: « Lévé Mégwé, lévé!», puis il disparaît dans son épais nuage de fumée.
Lorsque Compère Tig retrouve ses esprits, il ne reste absolument rien du colombo de cochon. Dépité, il rentre chez lui.
De retour à la maison, sa femme lui demande: « Alors, mon mari, et le cochon?
- Le cochon, ne m’en parle pas», répond-t-il avant de s’enfermer dans sa chambre.
Et comme il n’était pas parti à la chasse et qu’il n’y avait rien à manger, sa femme lui a préparé une bonne bouillie de terre glaise qu’il a avalée sans rechigner.
Krik - Krak
É di kric – é di krac
C’est depuis ce jour, messieurs et dames la société que Tig se contente de terre glaise lorsqu’il n’y a plus rien à manger.




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