Bâton, tape !


Bâton, tape !




Il était une fois une famille pauvre qui comptait trois fils : Pierre, Jacques et Jean. Un jour, Pierre, l'aîné, dit : « Je vais aller chercher du travail ; je reviendrai quand je serai riche. » Il partit sur la grand-route et marcha, marcha. Un soir, n'ayant plus qu'un croûton de pain à se mettre sous la dent, il rencontra une vieille qui lui demanda : « Voulez-vous m'indiquer le chemin pour aller à Châteauguay ? » Pierre la renseigna, puis elle dit : « Avez-vous quelque chose à donner à une vieille pauvresse ? » Pierre lui donna son croûton de pain. La vieille l'accepta et lui dit :
« Je suis une fée. Pour te remercier de ta gentillesse, voici une nappe blanche. Tu n'auras qu'à dire : "Nappe, mets la table !", et aussitôt des mets de toutes sortes s'y déposeront tout seuls.
— Oh, merci, merci ! » fit Pierre, s'empressant de reprendre la route en direction de chez ses parents. Il marcha, marcha d'un bon pas, mais la nuit arriva. Il était fatigué, alors il s'arrêta dans une auberge. Avant de dormir, comme il avait faim, il sortit sa nappe et commanda : « Nappe, mets la table ! » Aussitôt la nappe se déplia sous ses yeux et se couvrit de mets succulents et de fruits appétissants. Mais l'aubergiste avait vu le manège et, dans la nuit, il vola la nappe qu'il remplaça par une autre identique.
Le lendemain matin, Pierre quitta l'auberge et fila vers sa maison.
« Voyez, s'empressa-t-il de dire à ses parents, je rapporte une nappe merveilleuse qui se couvre de mets et de fruits délicieux. Vous allez voir ! »
Il sortit la nappe blanche de son sac et lança : « Nappe, mets la table ! » Mais la nappe resta pliée et rien n'apparut. Alors Pierre la saisit, la déplia, l'examina et constata que ce n'était pas la sienne. « Ce doit être l'aubergiste qui me l'a volée ! » s'écria-t-il, tout penaud. Alors, l'un de ses frères, Jacques, annonça tout à coup : « Moi aussi, je pars chercher du travail. Et je retrouverai bien la nappe de Pierre. »
À son tour, il marcha, marcha. Il arriva un bon matin au bord d'une rivière sans beaucoup d'eau où était assise une vieille femme toute courbée par l'âge. Le voyant approcher, elle l'interpella : « Voulez-vous m'aider à traverser la rivière ? » Jacques y consentit sans hésiter. Arrivée sur l'autre rive, la vieille lui dit : « Je suis une fée. Pour te récompenser de m'avoir secourue, je te donne cette poule. » Et elle sortit une poule de sous son manteau, ajoutant : « Dis : "Poule, ponds-moi de l'or !" et elle pondra de l'or. »
Enchanté, Jacques remercia la vieille et s'empressa de rentrer chez ses parents. Il marcha longtemps et finit par s'arrêter pour dormir à l'auberge où son frère Pierre avait fait halte. Il monta à sa chambre et dit à sa poule : « Poule, ponds-moi de l'or ! » Et la poule pondit trois œufs d'or. Pour payer sa dépense, il en donna un à l'aubergiste qui eut des doutes sur sa provenance. Durant la nuit, ce dernier alla dans la chambre où dormait son client, vit la poule et la vola. Il la remplaça par une autre en tout point semblable.
Le lendemain, Jacques arriva à la maison tout joyeux en disant : « Voyez ma jolie poule ; elle pond de l'or ! Regardez bien ! » Il posa sa poule sur la table et dit : « Poule, ponds-moi de l'or ! » Tout ce que fit la poule ce fut de branler la tête et de chanter : « Caque-caque-canette. » Jacques était bien peiné. Il s'écria : « Ah, c'est le vilain aubergiste qui m'a volé ma poule ! » Alors, Jean, le plus jeune des trois frères, dit : « C'est à mon tour de tenter ma chance. Je pars chercher fortune. »
Comme ses frères avant lui, il marcha, marcha sur le chemin. Puis, à la tombée du jour, il arriva à l'orée d'un grand bois où se tenait une vieille femme, qui lui dit : « Mon cher petit, voulez-vous m'aider à traverser ce bois ? Il fait bien noir, et j'ai peur des voleurs.
— Volontiers » , dit Jean.
Il prit alors la main de la vieille et la conduisit de l'autre côté du bois. Arrivée là, la vieille se redressa et déclara : « Je suis une fée. Pour te récompenser de ta gentillesse, je te fais cadeau de ce bâton. Tu n'auras qu'à dire : "Bâton, tape !", et aussitôt il se mettra à taper sur qui tu voudras. »
Jean était enchanté. Il remercia la fée et se dirigea bien vite vers la maison où l'attendaient ses frères et ses parents. Mais la nuit tomba, et Jean était fatigué. Il s'arrêta dormir à l'auberge, la même où ses frères avaient fait halte. Après une bonne nuit de repos, il demanda à l'aubergiste :
« C'est vous qui avez volé la nappe de mon frère, la nappe qui met la table ?
— Jamais de la vie ! répliqua l'aubergiste. Je n'ai rien volé du tout !
— Vous allez me la rendre ou je vous fais cogner par mon bâton, dit Jean.
— Je n'ai rien à vous rendre, protesta le bonhomme.
— Soit ! fit Jean. Alors, bâton, tape ! »
Aussitôt le bâton s'abattit sur les épaules de l'aubergiste. Bang ! Bing ! Pan, pan ! L'aubergiste se sauva en se lamentant et en criant :
« Arrêtez ! Arrêtez votre bâton ! »
— Pas tant que vous ne m'aurez pas rendu la nappe de mon frère » , répondit Jean.
Le corps meurtri, l'aubergiste sortit enfin la nappe blanche du buffet et la donna à Jean qui arrêta son bâton. Puis, le jeune homme s'en alla sur le chemin. Mais, le soir même, le voici de retour demandant asile pour la nuit. Et le lendemain matin, il dit à l'aubergiste : « Maintenant, rendez-moi la poule que vous avez volée à mon frère.
— Je n'ai pas volé de poule ! protesta l'aubergiste.
— Si vous ne me la rendez pas, je vous fais cogner par mon bâton.
— Non, non ! Je n'ai pas ta poule ! » hurla l'aubergiste en se sauvant, car il avait très peur des coups de bâton. Jean lança : « Bâton, tape ! » Le bâton courut après le bonhomme, lui sauta sur le dos et lui tapa sur les épaules. Le bâton tapa. Bing ! Bang ! Pan, pan ! Le vilain aubergiste cria et se roula par terre, mais le bâton continuait de taper. Bing ! Bang ! Pan, pan ! N'en pouvant plus de douleur, l'aubergiste alla chercher la poule et la remit à Jean, qui arrêta son bâton et reprit la route.
En chemin, il rencontra trois voleurs qui lui dirent :
« Donne ta poule et tous tes biens, sinon nous te pendrons à la plus haute branche de cet arbre.
— Laissez-moi passer, dit Jean, ou je vous fais massacrer par les coups de mon bâton.
— Ha, ha ! dirent les voleurs, riant de ses menaces. Nous allons te pendre !
— Bâton, tape ! » cria alors Jean.
Et le bâton s'abattit comme la grêle sur les épaules des voleurs. Bing ! Bang ! Pan, pan ! Les voleurs épouvantés s'enfuirent, poursuivis par le bâton déchaîné. Bing ! Bang ! Pan, Pan ! Jean rappela son bâton et se remit en route. Il arriva chez ses parents et s'exclama joyeusement : « J'ai tout rapporté : la nappe, la poule, et mon bâton qui cogne quand je le veux. Voici la nappe. « Nappe, mets la table ! » lança Pierre. Aussitôt la nappe s'étala et se couvrit de mets et de fruits appétissants. Jean sortit la poule de son sac, et Jacques dit : « Poule, ponds-moi de l'or ! » Et la poule pondit trois œufs d'or. Ce fut alors, dans la pauvre demeure, une soirée de réjouissances agrémentée d'un festin de roi.
Pierre, Jacques et Jean avaient vraiment fait fortune. Ils rendirent la vie douce à leurs parents, et tous les cinq vécurent heureux et contents jusqu'à la fin de leurs jours.




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