Tome N°9 - Chapitre 5/2 : - HISTOIRE D’ALAEDDIN, SECONDE PARTIE - (Mille et une nuits)



HISTOIRE D’ALAEDDIN, SECONDE PARTIE







L'appartement du père de Zobéïde était en face de celui d’Alaeddin. Le vieillard avant entendu le cri de sa fille, ouvrit sa porte, et demanda à son gendre ce que cela voulait dire. « Vous n’avez plus de fille, s’écria Alaeddin, ma chère Zobéïde n’est plus ! »
Le vieillard, quoique profondément affligé lui-même de la perte de sa fille, fut tellement affecté de la douleur dont son gendre paraissait pénétré, qu’il chercha à le consoler, et lui dit que la dernière marque qu’ils pouvaient donner de leur affection à la personne qui venait de leur être enlevée d’une manière si soudaine et si funeste, était de prendre soin de ses funérailles. Ils s’occupèrent donc l’un et l’autre à lui rendre les derniers devoirs, et cherchèrent à se consoler mutuellement. Mais laissons maintenant Zobéïde dormir en paix ; peut-être aurons-nous occasion de revenir sur cette catastrophe.
Alaeddin prit le deuil, et s’abandonna tellement à sa douleur, qu’il cessa tout-à-fait d’aller au divan. Le calife, étonné de son absence, demanda au visir Giafar la raison pour laquelle Alaeddin ne venait plus au palais ?
« Souverain Commandeur des croyants, répondit le visir, c’est le chagrin de la perte de son épouse qui l’en empêche : il est occupé jour et nuit à la pleurer. » « Il faut aller le voir, dit le calife. »
Le calife et Giafar s’étant aussitôt déguisés tous deux, se rendirent à la demeure d’Alaeddin. Ils le trouvèrent assis, la tête appuyée sur ses deux mains, et enfoncé dans ses tristes pensées. Alaeddin se leva pour les recevoir ; et ayant reconnu le calife, il se jeta à ses pieds. Ce prince le fit relever avec bonté, et lui dit affectueusement qu’il pensait sans cesse à lui. « Que Dieu prolonge les jours de votre Majesté, s’écria Alaeddin les yeux baignés de larmes ! »
« Pourquoi, dit le calife à Alaeddin, avez-vous cessé de venir nous voir, et vous êtes-vous absenté si long-temps du divan ? » « Sire, répondit Alaeddin, je suis inconsolable de la perte de mon épouse Zobéïde. »
« Il ne faut pas vous abandonner ainsi à la douleur, reprit le calife, et vous devez vous soumettre aux décrets de la Providence. Les larmes que vous versez sont inutiles, et ne pourront pas rendre la vie à votre épouse. » « Je ne cesserai de la pleurer, dit Alaeddin, en poussant un profond soupir, que quand la mort nous aura réunis pour jamais. »
Le calife, en le quittant, lui recommanda expressément de se rendre au divan comme à l’ordinaire, et de ne pas le priver plus long-temps de sa présence.
Touché de la bonté du prince, Alaeddin monta le lendemain à cheval, et se rendit au divan. En entrant dans la salle, il se prosterna la face contre terre. Le calife en l’apercevant, descendit de son trône, et s’avança pour le faire relever. Il le reçut de la manière la plus distinguée, et lui fit reprendre sa place ordinaire. « J’espère, lui dit-il avec bonté, que vous serez des nôtres ce soir. »
Après le divan, le calife en rentrant au sérail, fit appeler une esclave, nommée Cout alcouloub[9]

La nourriture des cœurs.

, et lui dit : « Alaeddin vient de perdre son épouse Zobéïde, qui, par ses talents pour la musique, faisait le charme de sa vie, et bannissait la tristesse de son cœur. Je désirerois que vous fissiez entendre ce soir, sur votre luth, quelque morceau de musique qui pût l’égayer un moment. »
Le soir, Cout alcouloub, cachée derrière un rideau, ayant accordé son luth, s’accompagna avec tant de grâce, et chanta d’une manière si ravissante, que le calife enthousiasmé se tourna avec vivacité vers Alaeddin, et lui demanda ce qu’il pensait du talent de cette esclave ?
« Elle chante fort bien, répondit Alaeddin ; mais sa voix ne me fait pas la même impression que celle de Zobéïde. » « Je le conçois, reprit le calife ; mais enfin sa voix vous plaît-elle ? »
« Sire, répondit-il avec embarras, il faudrait que je fusse bien difficile à contenter, pour ne pas avoir quelque plaisir à l’entendre. » « Eh bien, reprit le calife, c’est un présent que je vous fais. Je vous la donne, ainsi que toutes les esclaves qui sont à son service. » Alaeddin de plus en plus surpris, s’imagina que le calife voulait s’amuser, et se retira chez lui l’esprit frappé de cette idée.
Le lendemain le calife entra dans l’appartement de Cout alcouloub, et lui dit qu’il venait de la donner à Alaeddin, ainsi que toutes les femmes qui étaient à son service. L’esclave en fut charmée ; car ayant eu le loisir d’examiner Alaeddin à travers le rideau qui la dérobait à ses regards, elle l’avait trouvé fort à son gré, et n’avait pu s’empêcher de l’aimer.
Le calife commanda aussitôt de transporter tous les effets de Cout alcouloub chez Alaeddin, et de l’y conduire elle-même. On la fit monter en litière, ainsi que toutes ses femmes, qui étaient au nombre de quarante, et on l’installa dans le palais d’Alaeddin, pendant que celui-ci était au divan, qui fut fort long ce jour-là ; car le calife ne leva la séance qu’à la fin du jour, et revint fort tard au sérail.
En entrant chez Alaeddin, accompagnée de quarante de ses femmes, Cout alcouloub avait fait placer des deux côtés de la porte deux des gardes du calife, et leur avait prescrit d’annoncer son arrivée à Alaeddin quand il se présenterait, et de le prier de passer chez elle.
Alaeddin, qui ne pensait déjà plus à Cout alcouloub, fut fort surpris, en rentrant chez lui, de trouver à sa porte deux gardes du corps du calife. « Qu’est-ce que cela signifie, dit-il en lui-même ? Ne me trompé-je point ? Est-ce bien là ma maison ? »
Les deux gardes s’étant avancés dans ce moment, et ayant baisé respectueusement la main à Alaeddin, l’un deux lui dit : « Nous sommes au service de Cout alcouloub, favorite du calife : elle nous charge de vous annoncer que ce prince vient de vous la donner, ainsi que toutes ses femmes, et elle vous prie de vouloir bien passer chez elle. »
« Allez dire à votre maîtresse, répondit Alaeddin, qu’elle est la bien venue ; mais prévenez-la en même temps que tant qu’il lui plaira de rester chez moi, je ne prendrai point la liberté d’aller la voir ; car ce qui convient au maître ne convient pas à l’esclave. Priez-la aussi, de ma part, de vouloir bien me dire quelle était la somme qu’elle touchoit chaque jour par ordre du calife. »
Les deux gardes s’étant acquittés de leur commission, revinrent dire à Alaeddin que la pension de Cout alcouloub était de cent pièces d’or par jour. « J’avais bien besoin, dit-il alors en lui-même, que le calife me fit un pareil présent ! »
Cout alcouloub resta assez long-temps chez Alaeddin, qui lui faisait remettre exactement tous les matins cent pièces d’or. Un jour que, tout entier à la douleur et aux regrets que lui causoit la perte de Zobéïde, il avait manqué de se rendre au divan, le calife dit à Giafar :
« Visir, n’ai-je pas fait présent à Alaeddin de Cout alcouloub pour le consoler de la perte de son épouse ? Pourquoi donc ne vient-il pas nous voir comme à son ordinaire ? »
« Sire, répondit le visir, on a bien raison de dire qu’un amant oublie bientôt ses anciens amis auprès de sa maîtresse. »
Giafar ne tarda pas à être détrompé ; car ayant été le lendemain rendre visite à Alaeddin, celui-ci lui fit part de ses chagrins, et lui dit : « Qu’ai-je donc fait au calife pour l’engager à me donner Cout alcouloub ? Je me serais fort bien passé d’un pareil présent. »
Le visir ayant répondu à Alaeddin que c’était l’extrême affection du calife pour lui qui l’avait porté à lui donner cette esclave, lui demanda en confidence, s’il allait quelquefois la voir ? « En vérité, répondit Alaeddin, je ne l’ai pas encore vue, et je vous promets que je ne la verrai jamais. » Le visir l’ayant prié de lui expliquer la raison d’une pareille retenue, il lui dit, pour toute réponse : ce qui convient au maître ne convient pas à l’esclave.
Giafar ne manqua pas de faire part de ce qu’il venait d’apprendre au calife, qui voulut sur-le-champ aller voir Alaeddin avec son visir. Alaeddin les ayant aperçus, alla au-devant du prince, se jeta à ses pieds, et lui baisa les mains. Le calife ayant remarqué sur son visage l’empreinte du plus profond chagrin, lui dit en le faisant relever :
« Vous verrai-je donc toujours accablé de tristesse, mon cher Alaeddin ? Est-ce que Cout alcouloub n’a rien fait pour vous consoler ? » « Souverain Commandeur des croyants, répondit Alaeddin, ce qui convient au maître ne convient pas à l’esclave. Je vous jure que je n’ai point approché d’elle, et que je n’en approcherai jamais ; et si j’osais vous demander une grâce, ce serait de me dispenser de la garder plus long-temps. » « Je voudrais bien la voir un moment, dit le calife. »
Alaeddin s’empressa de conduire le calife à l’appartement de Cout alcouloub. Ce prince, en entrant, lui demanda si Alaeddin était venu la voir. Cout alcouloub lui ayant dit qu’elle avait prié Alaeddin de passer chez elle, mais qu’il n’avait pas voulu se rendre à son invitation, le calife ordonna sur-le-champ de la reconduire au sérail ; et ayant invité Alaeddin à venir le voir, il rentra bientôt lui-même dans son palais.
Alaeddin, content d’être délivré de Cout alcouloub, passa la nuit un peu plus tranquillement qu’à son ordinaire, et reprit le lendemain son rang au divan. Le calife fit appeler son trésorier, et lui ordonna de remettre dix mille pièces d’or au grand visir Giafar. « Visir, dit-il à celui-ci, je vous charge d’aller au bazar, et d’y acheter pour Alaeddin une esclave du prix de dix mille pièces d’or. » Le visir se disposa à exécuter l’ordre du calife sur-le-champ ; et ayant pris Alaeddin avec lui, ils se rendirent tous deux au marché des esclaves.
Pour l’intelligence de la suite de cette histoire, il faut savoir que le waly, ou lieutenant de police de Bagdad, nommé l’émir Khaled, avait de son épouse Khatoun un fils excessivement laid, appelé Habdalum Bezaza. Ce fils, quoiqu’ayant atteint sa vingtième année, était encore extrêmement ignorant, et ne s’était adonné à aucun des exercices convenables aux jeunes gens de son rang ; car à peine savait-il se tenir à cheval : bien différent en cela de son père, qui passait pour un des meilleurs cavaliers de son temps, et qui s’était toujours fait distinguer par ses manières polies, ses connaissances et sa bravoure.
Bezaza ayant atteint l’âge de songer au mariage, sa mère eut envie de le marier, et fit part de son projet à son mari. Celui-ci, qui connaissait tous les défauts de son fils, représenta à sa femme que leur enfant étant si disgracié de la nature, du côté du corps et de l’esprit, ils ne pourraient jamais trouver de jeune personne qui voulût l’épouser. La réponse de Khatoun fut : « Il faut lui acheter une esclave. »
Le hasard voulut que le jour où le grand visir Giafar et Alaeddin allèrent au bazar pour y acheter une esclave, fût précisément celui où l’émir Khaled et son fils s’y rendirent dans le même dessein. Au moment de leur arrivée, le crieur tenait par la main une jeune esclave de la plus grande beauté, dont la taille svelte et dégagée, la fraîcheur et la modestie frappèrent tellement le visir, qu’il en offrit sur-le-champ mille pièces d’or. Lorsque le crieur passa auprès de l’émir Khaled, son fils Habdalum Bezaza ayant aperçu cette esclave en devint tout-à-coup éperdument amoureux, et supplia son père de la lui acheter.
Khaled ayant fait signe au crieur de s’approcher, lui demanda quel était le nom de cette esclave. Ayant appris qu’elle s’appelait Jasmin, et qu’on en offrait déjà mille pièces d’or, il se tourna vers son fils, et lui dit que s’il voulait l’acheter il fallait enchérir. Habdalum Bezaza dit au crieur qu’il en offrait une pièce d’or de plus. Alaeddin la mit aussitôt à deux mille pièces d’or ; et chaque fois que le fils de l’émir enchérissoit d’une pièce, Alaeddin en offrait mille de plus.
Habdalum Bezaza, indigné de voir qu’on osait enchérir sur lui, demanda au crieur, d’un air hautain, le nom de l’enchérisseur. « C’est le grand visir Giafar, répondit celui-ci ; il veut acheter cette esclave pour le seigneur Alaeddin Aboulschamat. » Dans ce moment, Alaeddin ayant offert dix mille pièces d’or, le maître de l’esclave la lui adjugea, et fut aussitôt payé par ordre du visir. Alaeddin ne se vit pas plutôt en possession de cette belle personne, qu’il lui donna la liberté, l’épousa, et l’emmena chez lui.
Le crieur, après avoir reçu sa récompense, repassa devant l’émir Khaled et son fils, et leur apprit qu’Alaeddin avait acheté l’esclave dix mille pièces d’or, qu’il lui avait rendu la liberté, et venait de l’épouser.
Bezaza s’en retourna chez lui, désespéré de cette nouvelle. À peine était-il arrivé, qu’il se sentit dévoré d’une fièvre violente, et fut obligé de se mettre au lit. Sa mère, qui ne savait pas encore ce qui venait de se passer, lui demanda quelle était la cause de sa maladie ? « Achetez-moi Jasmin, lui répondit-il d’une voix foible. » Sa mère, le croyant en délire, lui promit, pour l’apaiser, de lui acheter un beau bouquet de jasmin dès que le marchand de fleurs passerait. « Il est bien question de bouquets, s’écria-t-il avec impatience, c’est l’esclave Jasmin que je vous demande ; sans elle je ne puis plus vivre. »
La mère de Bezaza, empressée de le satisfaire, alla trouver son mari, qui lui apprit quelle était Jasmin, et comment son fils en était devenu amoureux. Khatoun n’écoutant que la tendresse maternelle, ne put s’empêcher de faire quelques reproches à son mari, d’avoir laissé acheter par un autre, une esclave que son fils désirait avec tant d’ardeur. « Ce qui convient au maître, répondit l’émir, ne convient pas à l’esclave : il ne m’a pas été possible de l’acheter, puisqu’Alaeddin Aboulschamat, chef du conseil suprême des Soixante, désirait l’avoir. »
La maladie d’Habdalum Bezaza devenait plus grave de jour en jour. Sa mère voyant qu’il ne voulait plus rien prendre, et qu’il allait périr d’inanition, se revêtit d’habits lugubres, et fit paraître toutes les marques du plus grand deuil et de la plus profonde tristesse. Tandis qu’elle s’abandonnait ainsi à l’excès de sa douleur, elle reçut la visite d’une femme qu’on appelait la mère d’Ahmed Comacom le voleur.
Cet Ahmed Comacom devant jouer un assez grand rôle dans la suite de cette histoire, il est nécessaire de le faire ici connaître. Exercé au vol et à la filouterie depuis sa jeunesse, il était devenu si adroit, qu’il aurait pu enlever de dessus les sourcils le collyre qu’on y applique, sans que la personne s’en aperçût. Hardi et dissimulé avec cela, il avait su cacher si bien ses mauvaises inclinations, et gagner la confiance de quelques gens en place, qu’on l’avait nommé commandant du guet ; mais comme il volait et pillait le peuple au lieu de le défendre, le wali en ayant été informé, le fit garrotter, et conduire devant le calife, qui le condamna à perdre la tête.
Ahmed Comacom, qui connaissait l’humanité du visir Giafar, et qui savait que son intercession auprès du calife n’était jamais vaine, le fit supplier de vouloir bien s’intéresser pour lui.
Lorsque le visir en parla au calife, ce prince lui dit : « Puis-je rendre à la société un pareil fléau, et laisser un libre cours à tant de brigandages ? » « Sire, dit le visir, condamnez-le à une prison perpétuelle. L’inventeur des prisons fut un homme sage : ce sont des tombeaux où sont ensevelis tout vivants ceux que le bien public prescrit de retrancher de la société. »
Le calife se rendit au sentiment de son visir. Il commua la peine de mort portée contre Ahmed Comacom en une prison perpétuelle, et fit écrire sur sa chaîne : condamné aux fers jusqu’à la mort.
On avait donc renfermé Ahmed Comacom pour le reste de ses jours ; et sa mère, en même temps qu’elle avait, par suite de la pitié qu’elle inspirait, un libre accès dans la maison de l’émir Khaled, wali de Bagdad, prenait soin de porter à manger à son fils dans sa prison, et lui reprochait souvent de n’avoir point suivi les avis qu’elle lui avait autrefois donnés.
« Ma mère, lui dit-il un jour, personne ne peut éviter sa destinée ; mais vous qui allez et venez chez le wali, tâchez d’engager son épouse à lui parler en ma faveur. »
La vieille étant donc entrée dans l’appartement de la femme du wali, et l’ayant trouvée habillée de deuil, et plongée dans la plus profonde tristesse, lui en demanda le sujet ? « Ah, ma bonne, s’écria-t-elle, je vais perdre mon cher fils Habdalum Bezaza ! » La vieille s’étant informée de la cause de la maladie, la femme du wali raconta ce qui était arrivé à Bezaza. La vieille jugea l’occasion favorable pour obtenir la liberté de son fils, et résolut d’en profiter.
« Madame, dit-elle à la femme du wali, je connais un moyen assuré de rendre la vie à votre fils. Ahmed Comacom est capable d’enlever l’esclave Jasmin, et de la lui remettre entre les mains. Mais malheureusement il est condamné à une prison perpétuelle. Tâchez de lui faire rendre la liberté ; employez pour cela tout le crédit que vous avez sur l’esprit de votre mari, et je vous promets que votre fils sera bientôt satisfait. »
La femme du wali remercia la vieille, et lui promit de faire tout son possible pour obtenir la liberté de Comacom. En effet, elle parla dès le même jour à son mari, lui témoigna que Comacom était pénétré du plus sincère repentir, déplora le sort de sa malheureuse mère, et finit en lui disant : « Si vous parvenez à faire rendre la liberté à ce prisonnier, vous ferez une bonne œuvre, qui, je n’en doute pas, attirera sur nous les bénédictions du ciel, et rendra la santé à mon cher Bezaza. »
Le wali se laissa toucher par les prières et les larmes de son épouse. Il se rendit le lendemain matin à la prison d’Ahmed Comacom, et lui demanda s’il se repentait sincèrement de sa vie passée, et s’il était dans la ferme résolution de se mieux conduire à l’avenir.
Ahmed Comacom répondit d’un ton hypocrite, que Dieu avait touché son cœur depuis long-temps ; que s’il était rendu à la société, il tâcherait, par la régularité de sa conduite, par son zèle à poursuivre les méchants et par son attachement inviolable à ses devoirs, de réparer les fautes qu’il avait commises, et d’effacer la mauvaise opinion qu’on pouvait avoir conçue de lui. Sur cette assurance, le wali le fit sortir de prison, et l’emmena au divan, sans cependant oser prendre sur lui de faire briser ses chaînes.
En entrant dans la salle, le wali se prosterna la face contre terre, et présenta ensuite au calife Ahmed Comacom, qui s’avança en agitant ses chaînes.
« Comment, malheureux, lui dit le prince avec indignation, tu respires encore ? » « Sire, répondit Comacom, la vie de l’infortuné semble se prolonger avec ses souffrances. »
« Émir Khaled, s’écria le calife, pourquoi avez-vous amené ce scélérat devant moi ? » « Souverain Commandeur des croyants, répondit le wali, sa pauvre mère, privée de tout secours, et qui n’a d’espérance qu’en lui, supplie votre Majesté de faire ôter les chaînes à ce malheureux, qui se repent de ses fautes, et de le rétablir dans la place qu’il occupait avant sa disgrâce. »
« Se repent-il sincèrement de sa conduite passée, demanda le calife ? »
« Souverain monarque du monde, répondit Comacom, Dieu est témoin de la sincérité de mon repentir, et du désir que j’ai de réparer le mal que j’ai commis. »
Le calife, naturellement bon, et touché du sort de la mère de ce malheureux, fit venir un forgeron pour rompre ses chaînes. Non content de lui rendre la liberté, il le fit revêtir d’un caftan, et le rétablit dans ses fonctions, en lui recommandant de se mieux conduire à l’avenir, et de ne jamais s’écarter des sentiers de la droiture et de l’équité.
Ahmed Comacom, au comble de la joie, se prosterna devant le calife, et pria Dieu de lui accorder un règne long et heureux. On fit aussitôt proclamer dans Bagdad qu’Ahmed Comacom venait d’être rétabli dans la charge qu’il possédait auparavant.
Quelques jours s’étaient écoulés depuis l’élargissement de Comacom. La femme du wali ayant vu la vieille, la pressa de remplir les promesses qu’elle lui avait faites au nom de son fils. Celle-ci alla aussitôt trouver Comacom, qui était alors occupé à boire, lui représenta vivement les obligations qu’il avait à la femme du wali, et lui dit : « C’est à cette dame seule que tu dois ta liberté, et elle ne s’est intéressée en ta faveur, que d’après l’assurance que je lui ai donnée que tu enleverais l’esclave Jasmin, actuellement en la possession d’Alaeddin, pour la remettre à son fils qui en est passionnément amoureux. » Ahmed Comacom promit à sa mère de s’occuper de cette affaire dans la nuit même.
Cette nuit était précisément la première du mois ; et le calife avait coutume de la passer auprès de son épouse, après l’avoir sanctifiée par un acte de bienfaisance, comme de rendre la liberté à un esclave de l’un ou de l’autre sexe, ou à quelqu’un de ses gardes. Le calife avait encore habitude, avant de passer dans l’appartement de Zobéïde, de déposer sur un sofa son manteau royal, son chapelet, le sceau de l’état et ses autres bijoux. Il avait sur-tout un flambeau d’or, enrichi de trois gros diamants, auquel il était très-attaché. Ce soir-là, ayant remis ces objets sous la surveillance de ses gardes, il s’était retiré d’assez bonne heure dans l’appartement de la sultane Zobéïde.
Ahmed Comacom ayant attendu que la nuit eût épaissi ses voiles, et que l’étoile de Canopus eût perdu peu à peu son éclat, profita du moment où tous les mortels étaient plongés dans les douceurs du sommeil, et où Dieu seul pouvait être témoin de ses actions. Il tira son épée, et s’avança vers le pavillon où était l’appartement du calife. Ayant dressé une échelle contre le mur, il monta hardiment au-dessus de l’appartement ; et étant parvenu à soulever une des planches du plafond, il trouva les gardes endormis, et descendit doucement. Ayant fait respirer aux gardes une poudre soporifique, il se saisit du manteau royal, du chapelet, du mouchoir, du sceau de l’état, et du flambeau d’or, enrichi de diamants. Il sortit aussi heureusement qu’il était entré, et dirigea sur-le-champ ses pas vers le palais d’Alaeddin Aboulschamat.
Alaeddin était couché cette même nuit près de sa chère Jasmin. Ahmed Comacom s’étant introduit furtivement dans son appartement, leva un des carreaux de marbre du plancher, et ayant fait un trou, il y déposa les effets qu’il avait pris chez le calife, après les avoir entortillés dans un mouchoir ; il ne se réserva que le flambeau d’or, enrichi de diamants. Ayant replacé le carreau de marbre comme il l’avait trouvé, il parvint à s’évader sans que personne l’eût aperçu.
Comacom se rendit alors à la maison du waly. Chemin faisant, il regardait le flambeau, et se disait en lui-même : « Quand je voudrai m’amuser à boire, je placerai ce flambeau devant moi, et je verrai la liqueur de mon verre briller de tout l’éclat de l’or et des diamants dont il est enrichi. »
Le lendemain matin le calife trouva ses gardes endormis par l’effet de la poudre qu’Ahmed Comacom leur avait fait respirer. Il les réveilla, et voulut prendre les objets qu’il avait déposés sur le sofa. Il fut surpris de ne rien trouver, et se mit aussitôt dans une colère terrible. S’étant habillé tout de rouge, pour montrer à tous les yeux son indignation, il se rendit au divan, et s’assit sur son trône, environné de tout l’appareil de sa puissance.
Le grand visir Giafar étant entré, et s’étant aperçu que le calife était irrité, se prosterna respectueusement le visage contre terre, et dit : « Que Dieu préserve votre Majesté de tout mal, et éloigne d’elle tout ce qui peut lui déplaire et exciter son courroux ! » « Visir, dit le calife, le mal est grand ! » « Qu’est-il donc arrivé, Sire, demanda Giafar ? »
Comme le calife allait raconter à son visir l’événement qui avait excité sa colère, le wali entra dans la salle, suivi d’Ahmed Comacom.
« Émir Khaled, lui dit le prince, dans quel état se trouve Bagdad aujourd’hui ? » « Sire, répondit-il, tout est calme et tranquille. » « Vous m’en imposez, reprit le calife. » « Souverain Commandeur des croyants, reprit humblement l’émir en se prosternant, oserais-je demander à votre Majesté le sujet de l’agitation où je la vois ? »
Le calife lui raconta ce qui s’était passé, et ajouta : « Je vous ordonne de faire vos diligences pour me rapporter tous ces effets. Votre vie me répond de votre exactitude à exécuter mes ordres. » « Sire, répondit le wali, avant de prononcer ma sentence, ne serait-il pas juste de punir de mort Ahmed Comacom ? Personne ne doit mieux connaître les voleurs et les traîtres que celui qui est chargé de les rechercher et de les poursuivre. »
À ces mots, Ahmed Comacom s’étant avancé, dit au calife : « Souverain Commandeur des croyants, vous pouvez dispenser l’émir Khaled du soin de retrouver les objets qu’on vous a dérobés. Je me charge de cette commission, en vous suppliant néanmoins de m’adjoindre deux juges et deux témoins ; car celui qui a commis une pareille action, ne redoute pas sans doute votre puissance, et encore moins celle du wali ou de tout autre. »
Le calife approuva la demande de Comacom, et dit qu’il voulait que, dans la recherche qui allait se faire, on commençât par visiter son propre palais, ensuite celui du grand visir, et ceux des membres du conseil suprême des Soixante. Ahmed Comacom ayant observé que peut-être le voleur avait l’honneur d’approcher souvent la personne du calife, ce prince jura sur sa tête qu’il ferait mourir le coupable, dût-il être son propre fils.
Ahmed Comacom eut soin de se munir de l’ordre exprès du calife, pour pouvoir pénétrer sans obstacle dans toutes les maisons, et les fouiller. Armé d’un gros bâton ferré par le bout, il commença ses recherches par visiter les palais des soixante membres du conseil suprême, ainsi que celui du grand visir Giafar. Il parcourut ensuite les maisons des chefs de la garde du calife, et des principaux seigneurs de la cour, et se rendit enfin à celle d’Alaeddin Aboulschamat.
Alaeddin, qui était dans l’appartement de sa femme, entendant un grand bruit dans la rue, descendit promptement, ouvrit la porte, et aperçut le wali accompagné de tous ses gens.
« Qu’y a-t-il donc de nouveau, seigneur Khaled, demanda-t-il avec empressement ? » Le wali lui ayant fait part de l’ordre dont il était chargé : « Vous pouvez entrer, lui dit Alaeddin, et faire dans ma maison toutes les recherches que vous jugerez convenables. »
« Je vous demande mille excuses, Seigneur, dit le wali un peu embarrassé, vous êtes au-dessus de tout soupçon, et à Dieu ne plaise qu’une personne comme vous puisse se rendre coupable de perfidie et de trahison. » « Exécutez votre commission, répliqua Alaeddin : aucune considération ne doit vous en dispenser. »
Le wali, les juges et les témoins entrèrent donc dans la maison d’Alaeddin, conduits par Comacom, qui dirigea leurs recherches vers l’appartement où il s’était introduit pendant la nuit. S’étant approché du carreau de marbre sous lequel il avait enfoui les objets qu’il avait volés lui-même, il laissa tomber exprès son lourd bâton ferré sur ce carreau, qui se brisa en éclats. L’émir Khaled ayant aperçu quelque chose de brillant, s’écria : « Seigneur Alaeddin, c’est Dieu même qui a dirigé nos pas vers cet endroit ; car nous venons de découvrir un trésor qui vous appartient : approchez, et venez voir ce qu’il peut renfermer. »
Tous les gens du wali s’étant réunis, et ayant reconnu les objets volés, on dressa un procès-verbal, qui constatoit que ces objets avoient été trouvés enfouis dans la maison d’Alaeddin Aboulschamat. Les gens du wali se jetèrent ensuite sur Alaeddin, lui arrachèrent son turban ; et lui ayant garotté les mains derrière le dos, mirent le scellé sur tous ses effets.
Ahmed Comacom ne perdit pas de vue l’exécution de son projet principal. Il monta rapidement à l’appartement de la belle Jasmin, l’en arracha avec violence, quoiqu’elle fût enceinte, et la conduisit à la vieille, en lui recommandant de la remettre sur-le-champ entre les mains de Khatoun, femme du wali : ce qui fut exécuté sur-le-champ.
Quand Habdalum Bezaza aperçut celle qu’il aimait si éperdument, il sentit renaître ses forces, et fit paraître la joie la plus vive. Il voulut s’approcher d’elle pour lui témoigner la satisfaction qu’il éprouvait en la voyant ; mais Jasmin indignée, lui dit que s’il ne s’éloignait pas sur-le-champ, elle ne répondait pas des mouvements que sa vue lui inspirait. « Je me tuerais plutôt, s’écria-t-elle, que d’appartenir à un monstre tel que toi ! » « Belle Jasmin, dit Habdalum tout tremblant, de grâce, n’attentez pas à une vie qui m’est si précieuse. »
La femme du wali voulant calmer l’agitation violente où elle voyait la belle Jasmin, lui dit avec douceur : « Souffrez, belle esclave, que mon fils puisse vous témoigner toute l’ardeur que vous lui avez inspirée ; il ne peut plus vivre sans vous. » « Malheureux, s’écria Jasmin, puis-je donc appartenir à la fois à deux maîtres ? Et depuis quand les chiens entreraient-ils impunément dans la demeure des lions ? »
Habdalum Bezaza, au désespoir, se laissa tomber sur un sofa, et fit craindre plus que jamais pour sa vie. À cette vue, la femme du wali, furieuse, s’avança vers l’esclave : « Malheureuse, lui dit-elle, tu veux donc me priver de mon fils ? Mais tu ne jouiras pas long-temps de ma douleur : bientôt ton Alaeddin finira ses jours honteusement sur un gibet. » « Eh bien, s’écria Jasmin, je m’estimerai heureuse de lui prouver mon amour en le suivant au tombeau ! »
Khatoun, à ces paroles, suffoquée par la colère, s’élança sur Jasmin, lui arracha ses riches habits, ses parures, ses bijoux, et la fit revêtir d’une chemise de poil, et d’une robe de bure grossière. Elle la condamna à servir dans la cuisine, et la mit au rang de ses plus viles esclaves, en lui disant que désormais son emploi serait de fendre du bois, d’éplucher les oignons et les légumes, et de faire du feu sous la marmite.
Jasmin répondit tranquillement à Khatoun, que l’emploi le plus vil et les travaux les plus rudes lui sembleraient toujours préférables à la vue de son odieux fils. Les esclaves dont la belle Jasmin était devenue la compagne, ne furent pas insensibles à son sort. Sa douceur, sa patience et sa résignation touchèrent tellement leurs cœurs, qu’elles s’empressèrent à l’envi de la soulager dans le service pénible qu’elle était obligée de faire.
Cependant le wali et ses gens, chargés des effets volés, emmenaient avec eux l’infortuné Alaeddin Aboulschamat, et le conduisaient au divan, où le calife était assis sur son trône, environné de toute sa cour. Quand le wali lui présenta son manteau royal et ses autres effets, ce prince lui demanda chez qui ils les avoient retrouvés ? « Chez Alaeddin Aboulschamat, répondit le wali. » À ces paroles, le calife irrité ayant ouvert le paquet, et ne trouvant pas le flambeau d’or, orné de pierreries, lança sur Alaeddin un regard furieux. « Malheureux, lui dit-il, qu’est devenu mon flambeau ? »
« Sire, répondit Alaeddin avec fermeté, je puis vous protester que je n’ai jamais touché aux effets qu’on m’accuse d’avoir volés, et qu’il m’est impossible de vous donner de renseignements sur aucun d’eux. »
« Traître, lui dit le calife, c’est donc là la récompense des faveurs dont je t’ai comblé ? Je t’avais donné toute ma confiance, et tu m’as trahi ! »
Le calife commanda ensuite au wali de faire pendre Alaeddin, et de le conduire sur-le-champ au supplice.
Le wali et ses gens emmenèrent Alaeddin, et s’avancèrent vers le lieu de l’exécution, précédés d’un crieur, qui publiait dans toutes les rues par où ils passaient : « Voilà la récompense de ceux qui osent trahir les califes de la maison des Abbassides. » Tout le peuple de Bagdad se porta avec empressement vers la place où allait se faire l’exécution.
Cependant Ahmed Aldanaf qui chérissait Alaeddin comme son fils, ignorant ce qui se passait, était tranquillement assis dans un de ses jardins, lorsqu’un des buvetiers du divan arriva tout hors d’haleine. « Seigneur, lui cria-t-il, tandis que vous êtes assis tranquillement ici, un précipice s’est ouvert sous les pieds de votre meilleur ami. » « Qu’y a-t-il donc de nouveau, demanda Ahmed Aldanaf surpris ? » « On conduit dans ce moment Alaeddin à la potence, répondit le buvetier. » Ahmed, s’étant informé du crime qu’on lui imputoit, se tourna vers son ami le capitaine Hassan Schouman, et lui demanda, avec inquiétude, ce qu’il pensait de cette affaire ? « Seigneur, répondit celui-ci, je parierais, sur ma tête, qu’Alaeddin est innocent, et que tout cela n’est qu’une ruse infernale de ses ennemis qui cherchaient à le faire périr. Il n’y a pas un instant à perdre pour le sauver ; et je vais, si vous voulez, vous en fournir le moyen. »
En effet, Hassan Schouman se rendit à la prison, et ordonna au geolier de lui remettre sur-le-champ un des criminels condamnés à mort, et confiés à sa garde. Par bonheur le criminel que lui remit le geolier avait un peu de la tournure d’Alaeddin. Lui ayant couvert la tête d’un voile, Ahmed Aldanaf le plaça entre lui et un de ses gardes, nommé Aly Alzibac Almisri, et se rendit en diligence au lieu où Alaeddin allait être exécuté. Ayant percé la foule, et s’étant approché très-près du bourreau, il lui marcha assez rudement sur le pied. « Seigneur, lui dit celui-ci, reculez-vous un peu, et laissez-moi la facilité de faire mon devoir. » « Malheureux, dit Ahmed Aldanaf, prends l’homme que je te présente, et exécute-le à la place d’Alaeddin Aboulschamat, qui est innocent du crime qu’on lui impute. Souviens-toi qu’Isaac fut racheté par un bélier. » Le bourreau n’osant répliquer, s’empara de l’homme qu’on lui présentait, et le pendit à la place d’Alaeddin.
Ahmed Aldanaf et Aly Alzibac Almisri emmenèrent avec eux Alaeddin, et, ayant traversé la foule sans être reconnus, se rendirent heureusement à la maison du premier. Comme Alaeddin témoignait sa reconnaissance à son bienfaiteur, celui-ci l’interrompit, et lui reprocha vivement d’avoir commis une action aussi basse. Alaeddin lui protesta qu’il était innocent du vol qu’on lui imputait, et qu’il ne savait comment ces objets s’étaient trouvés cachés chez lui.
« Pardonnez mon emportement, lui dit alors Ahmed : le trouble que votre danger m’a causé, a pu seul me dicter des reproches indignes de vous et de moi. J’avais bien pensé d’abord que tout ceci n’était qu’un stratagème abominable, l’ouvrage de la haine et de la scélératesse. Puisse l’auteur de cette perfidie être un jour puni comme il le mérite ! Quoi qu’il en soit, mon cher Alaeddin, vous ne pouvez rester maintenant à Bagdad ; car les rois ne reviennent pas volontiers sur les jugements qu’ils ont une fois portés, et il est presque impossible que celui qu’ils cherchent puisse leur échapper. J’ai dessein de vous conduire à Alexandrie : c’est un lieu sûr et de facile accès, où vous pourrez facilement vous cacher. »
« Je suis prêt à vous suivre, lui dit Alaeddin, et je m’abandonne entièrement à vous pour la conservation d’une vie que vous venez de sauver. »
Ahmed Aldanaf se tournant alors vers Hassan Schouman, lui dit : « Si le calife me demande, vous lui répondrez que je suis allé faire ma ronde dans les provinces. »
Ahmed Aldanaf et Alaeddin s’éloignèrent à l’instant même de Bagdad. À quelque distance de la ville, ils rencontrèrent deux juifs, percepteurs du calife dans cette province, qui étaient montés chacun sur une mule. Ahmed Aldanaf leur ayant demandé, d’un ton d’autorité, la recette qu’ils venaient de faire, ils refusèrent d’abord de la lui donner ; mais quand il leur eut dit qu’il était le receveur-général de la province, ils s’empressèrent de lui remettre chacun cent pièces d’or.
Ahmed Aldanaf craignant ensuite que les rapports que pourraient faire les deux juifs, ne compromissent sa sûreté et celle d’Alaeddin, ne crut pas devoir leur laisser la vie : il s’empara de leurs mules, monta sur l’une, et donna l’autre à Alaeddin.
Ils arrivèrent ainsi près de l’endroit où ils devaient s’embarquer, et y passèrent la nuit dans un caravansérail. Le lendemain matin, Alaeddin vendit sa mule ; et ayant confié celle d’Ahmed Aldanaf au portier de l’endroit où ils avoient couché, ils se rendirent tous deux au port d’Aïasse[10]

Vulgairement Laïasse, sur le golfe du même nom, autrefois le golfe d’Issus.

, et s’embarquèrent sur un vaisseau qui faisait voile pour Alexandrie, où ils abordèrent en peu de temps.
Comme ils parcouroient les rues de cette ville, ils entendirent un crieur qui mettait à l’enchère une petite boutique attenant à un magasin qui donnait sur la rue. L’enchère était en ce moment à neuf cent cinquante drachmes. Alaeddin en ayant offert mille, le marché fut bientôt conclu ; car cette boutique appartenait au trésor public.
Aîaeddin ayant reçu les clefs de la boutique, l’ouvrit sur-le-champ ; et il fut très-satisfait de la voir toute meublée. Il trouva dans le magasin toutes sortes d’armures, des boucliers, des sabres, des épées, des mâtures, des voiles, des ballots de toile de chanvre, des ancres, des cordages, des valises, des sacs pleins de coquillages et de pierreries servant à orner les harnais, des étriers, des masses d’armes, des couteaux, des ciseaux, et autres choses de cette espèce ; car le maître de la boutique, qui venait de mourir, faisait le métier de brocanteur.
Alaeddin ayant pris possession de cette boutique et du magasin, Ahmed Aldanaf lui conseilla de s’occuper du commerce, et de se résigner à la volonté de Dieu. Ayant passé trois jours avec Alaeddin, il prit congé de lui le quatrième jour pour retourner à Bagdad, et lui recommanda de rester dans cette boutique jusqu’à ce qu’il vînt le retrouver, et lui rapporter des nouvelles du calife, avec un sauf-conduit de la part de ce prince. Il lui promit en même temps de s’occuper jour et nuit à découvrir celui qui lui avait joué un tour aussi perfide ; et lui ayant dit un dernier adieu, il s’embarqua pour l’Aïasse, où il arriva en peu de temps, poussé par un vent favorable.
Ahmed Aldanaf ayant ensuite repris sa mule, se rendit en diligence à Bagdad, et rejoignit Hassan Schouman et sa compagnie des gardes. Comme il était souvent obligé de parcourir les provinces les plus éloignées de l’empire, le calife n’avait pas été étonné de son absence. Il reprit son service ordinaire, et s’occupa, sans relâche, des recherches qui pouvaient lui faire découvrir l’auteur du vol fait au calife, et le mettre en état de prouver l’innocence de son cher Alaeddin. Mais revenons un moment au calife.
Ce prince se trouvant seul avec Giafar, le jour où Alaeddin devoir être exécuté, dit à ce ministre : « Que dis-tu, visir, de l’action d’Alaeddin ? Est-il possible de concevoir tant de bassesse et de perfidie ? »
« Sire, répondit Giafar, vous l’avez puni comme il le méritoit, et votre Majesté ne doit plus s’occuper de ce malheureux. » « N’importe, dit le calife, j’aurais envie de le voir attaché au gibet. »
Le calife se rendit donc avec son visir à la place publique. Ayant levé les yeux sur celui qu’on venait d’exécuter, il crut s’apercevoir que ce n’était pas Alaeddin. « Visir, s’écria-t-il, qu’est-ce que cela veut dire : ce n’est certainement pas là Alaeddin ? » « Pourquoi donc, Sire, demanda Giafar ? »
« Alaeddin était petit, reprit le calife, et celui que je vois est fort grand. » « Sire, répondit Giafar, le corps de ceux qu’on pend s’allonge toujours un peu. »
« Mais, poursuivit le calife, Alaeddin avait la peau fort blanche, et le visage de cet homme est tout noir ? » « Souverain Commandeur des croyants, repartit Giafar, vous n’ignorez pas que la mort défigure les hommes, et donne aux cadavres une teinte livide et noirâtre. »
Malgré tous les raisonnements de son visir, le calife voulut qu’on détachât le corps du gibet : on le visita, et on trouva écrit sur sa poitrine le nom des deux Scheikhs[11]

Hassan et Hossaïn, les deux fils aînés d’Ali.

.
« Eh bien, visir, dit le calife, persistes-tu encore dans ton sentiment ? Tu sais qu’Alaeddin était Sunnite, et ce malheureux, tu le vois, était sectateur d’Aly. »
« Dieu seul, s’écria le visir, connaît ce qui est caché, et je vois effectivement qu’il est bien difficile de décider si ce cadavre est celui d’Alaeddin, ou de quelqu’autre. »
Le calife ayant ordonné de rendre les derniers devoirs au corps, rentra dans son palais ; et le soin des affaires de l’empire effaça bientôt de son esprit le souvenir d’Alaeddin. Voyons donc ce qui se passait dans la maison du wali.
Habdalum Bezaza ne profita pas du crime qui l’avait rendu possesseur de l’esclave d’Alaeddin. L’amour et le désespoir de voir sa passion si peu payée de retour, le firent descendre en peu de temps au tombeau.
L’infortunée Jasmin, ayant atteint le terme de sa grossesse, accoucha d’un enfant beau comme le jour. Ses compagnes lui ayant demandé quel nom elle voulait lui donner ? « Hélas, répondit-elle, si son père vivoit, il le nommeroit lui-même ; mais puisqu’il n’est plus, je veux que ce cher enfant s’appelle Aslan ! »
Jasmin allaita elle-même le petit Aslan, et ne le sevra qu’au bout de deux ans et demi, lorsqu’il se traînait déjà de tous côtés sur ses petites mains, et commencait même à marcher tout seul.
Un jour que Jasmin était occupée, comme à son ordinaire, au service de la cuisine, le petit Aslan, qui grimpait déjà partout, ayant aperçu l’escalier qui conduisait au salon, se mit à monter les degrés du mieux qu’il put, et vint, en sautant, près de l’endroit où l’émir Khaled était assis.
Le wali, surpris de la beauté de cet enfant, et charmé de sa gentillesse, le prit entre ses bras, et le fit asseoir sur ses genoux. En considérant attentivement ses traits, il fut étonné de sa ressemblance avec Alaeddin Aboulschamat.
Jasmin, inquiète de ne pas voir son fils autour d’elle, le chercha d’abord dans la cuisine et dans les cours ; mais ne le trouvant nulle part, elle s’avisa de monter au salon, et fut extrêmement surprise, en entrant, de voir l’émir Khaled qui le tenait sur ses genoux, et s’amusait à jouer avec lui. L’enfant, en apercevant sa mère, voulut aller se jeter à son cou ; mais le wali le retint entre ses bras, et demanda à Jasmin à qui il appartenait ?
« C’est mon fils, Seigneur, répondit Jasmin en tremblant. » « Quel est donc son père, reprit vivement le wali ? » « C’est l’infortuné Alaeddin Aboulschamat, répondit Jasmin. Maintenant cet enfant n’a plus d’autre père, ni d’autre protecteur que vous. »
« Quoi, dit le wali, je m’intéresserais au fils d’un traître ! » « Ah, Seigneur, s’écria Jasmin, connaissez mieux mon maître et mon époux ! Alaeddin ne fut point un traître. C’était un des plus fidèles et des plus zélés serviteurs du calife, et jamais il n’eut la pensée de trahir la confiance de son maître. »
Le wali, touché du sort de cet enfant, et sentant augmenter l’amour qu’il avait d’abord conçu pour lui, dit à sa mère : « Quand votre fils sera plus grand, et qu’il vous demandera qui est son père, dites-lui que c’est l’émir Khaled, wali de Bagdad. »
Jasmin, charmée de ce qu’elle venait d’entendre, éleva son fils avec le plus grand soin. Dès qu’il eut atteint l’âge de sept ans, le wali le fit circoncire, et lui donna les maîtres les plus habiles, qui s’appliquèrent à l’envi à développer son intelligence, et à l’instruire d’une manière convenable au fils d’un des premiers émirs de la cour du calife. Le wali se réserva le soin de lui apprendre lui-même à monter à cheval et à faire des armes ; et toutes les fois qu’il faisait faire des évolutions à ses soldats, il l’emmenait avec lui, et le formait ainsi à tous les exercices militaires.
À l’âge de dix-huit ans, le jeune Aslan était un cavalier parfait. Les principaux seigneurs de la cour le regardant comme le fils de l’émir Khaled, et charmés de son air noble et distingué, lui faisaient l’accueil le plus flatteur. Ahmed Comacom ne fut pas des derniers à lui faire sa cour ; il sut même tellement s’insinuer dans ses bonnes grâces, qu’ils devinrent bientôt inséparables.
Un jour qu’ils étaient tous deux à la taverne, Ahmed Comacom tira de son sein le flambeau d’or, enrichi de pierreries, que le calife avait tant regretté : il le plaça devant lui, mit dessus son verre, et s’amusa à considérer, à travers la liqueur, l’éclat de l’or et des diamants. Il répéta plusieurs fois cet amusement, but ainsi plusieurs coups, et s’enivra.
Aslan, charmé lui-même à la vue d’un bijou si précieux, pria Comacom de lui en faire présent. « Cela m’est impossible, lui dit Comacom. »
« Impossible ! Pourquoi donc cela, demanda Aslan avec curiosité ? » « Je ne peux pas vous le donner, répondit Ahmed ; car il a été déjà cause de la mort d’un homme. » « De quel homme, reprit Aslan étonné ? » « D’un étranger qui était venu dans ce pays, et que le calife avait élevé au rang de chef du conseil suprême des Soixante. Il se nommait Alaeddin Aboulschamat. » « Mais comment ce flambeau a-t-il été cause de la mort de cet homme ? »
« Vous aviez un frère, dit Ahmed Comacom, en baissant la voix, appelé Habdalum Bezaza. Quand il fut en âge de se marier, votre père, l’émir Khaled, voulut lui acheter une esclave… » Là-dessus, Ahmed Comacom se mit à raconter à Aslan ce qui s’était passé au sujet de l’esclave Jasmin, la funeste passion d’Habdalum Bezaza, le vol fait au calife, le dépôt des effets volés dans la maison d’Alaeddin, et le supplice de celui-ci.
Aslan, surpris au dernier point de ce qu’il venait d’entendre, et commençant à soupçonner la vérité, dit en lui-même : « Cette esclave Jasmin est celle-là même qui m’a donné le jour, et mon père ne peut être autre que le malheureux Alaeddin Aboulschamat. » Rempli de cette idée, il se leve avec indignation, et quitte brusquement Ahmed Comacom.
Comme il s’en retournait chez lui précipitamment, il rencontra le capitaine Ahmed Aldanaf. Frappé du port et de l’air de ce jeune homme, Ahmed s’arrêta, et dit tout haut : « Mon Dieu, comme il lui ressemble ! » « De qui parlez-vous donc, Seigneur, demanda Hassan Schouman qui l’accompagnoit ? Qui peut vous causer une pareille surprise ? » « C’est ce jeune homme, répondit Ahmed : il est impossible de ressembler davantage à Alaeddin Aboulschamat. »
Ahmed Aldanaf s’étant approché d’Aslan, le pria de vouloir bien lui dire le nom de son père. « Mon père, répondit Aslan, est l’émir Khaled, wali de Bagdad.
« Et votre mère, reprit Ahmed Aldanaf avec intérêt, voudriez-vous bien me dire aussi son nom ? » « Ma mère, répondit Aslan est une des esclaves du wali, appelée Jasmin. » « Ô ciel, s’écria Ahmed, Jasmin est votre mère ! Apprenez, puisqu’il est ainsi, que votre père est certainement Alaeddin Aboulschamat. Au reste, allez trouver votre mère, et interrogez-la : elle vous apprendra bien des choses qu’il est nécessaire que vous sachiez. »
Aslan, de plus en plus surpris, alla trouver sa mère ; et s’étant enfermé seul avec elle, la pria de lui dire le nom de son père ? « Votre père, mon fils, répondit Jasmin avec émotion, est l’émir Khaled, wali de Bagdad. » « Non, non, s’écria Aslan, vous me trompez, c’est Alaeddin Aboulschamat. »
À ce nom, prononcé avec feu, et qui lui rappelait de si douloureux souvenirs, Jasmin se mit à fondre en larmes, et demanda à son fils quelle était la personne qui avait pu lui découvrir un secret qu’elle cachait depuis si long-temps au fond de son cœur ? « C’est Ahmed Aldanaf, répondit-il. » Et alors il raconta à sa mère tout ce qui venait de se passer.
« Mon fils, dit Jasmin, quand Aslan eut achevé son récit, la vérité se découvrira sans doute un jour, et le mensonge sera confondu. Oui, mon cher fils, Alaeddin Aboulschamat est votre père ; et l’émir Khaled, qui vous en a tenu lieu jusqu’ici, et qui vous a fait élever avec tant de soin, n’est que votre père adoptif. »
Aslan, certain de son origine, s’empressa d’aller trouver Ahmed Aldanaf. Il lui baisa les mains en l’abordant, et lui dit : « Jasmin m’a confirmé ce que vous m’avez annoncé le premier. Sa bouche a prononcé le nom de mon père, le nom d’Alaeddin. Je connais l’attachement que vous aviez pour lui, et je viens vous supplier de m’aider à venger sa mort, à punir son assassin. » « Quel est son assassin, demanda Ahmed Aldanaf étonné ? » « C’est l’infame Comacom, répondit Aslan. » « Comment donc, mon fils, avez-vous fait cette découverte, reprit Aldanaf ? »
« J’ai vu, dit Aslan avec véhémence, j’ai vu entre les mains de Comacom le flambeau d’or, orné de pierreries, qui a été volé au calife. Surpris de l’éclat de ce bijou, je le lui ai demandé ; mais il n’a pas voulu me le donner. Ce flambeau, a-t-il dit, a déjà coûté la vie à quelqu’un ; et il m’a raconté de quelle manière il l’avait dérobé au calife avec d’autres effets, et avait été les enterrer dans l’appartement de mon père. »
« Mon fils, dit Ahmed Aldanaf, il faut user de prudence dans cette conjoncture, et tâcher de vous faire connaître avantageusement du calife avant de lui rien découvrir. Retenez bien ce que je vais vous dire. Quand vous verrez l’émir Khaled prendre son uniforme, et s’armer de toutes pièces, priez-le de vous faire habiller comme lui, et de vous permettre de l’accompagner. Lorsque vous serez en présence de toute la cour, tâchez de vous distinguer par quelque trait de bravoure, ou par quelqu’action d’éclat qui vous fasse remarquer du calife. Si ce prince vous dit : « Aslan, je suis content de toi ; demande-moi ce que tu voudras, » suppliez-le alors de vous venger de l’assassin de votre père. Trompé par la commune opinion, il vous répondra que votre père se porte bien ; informez-le alors, sans hésiter, que vous êtes le fils d’Alaeddin Aboulschamat, que l’émir Khaled n’est que votre père adoptif, et racontez-lui dans le plus grand détail votre aventure avec Ahmed Comacom. Pour prouver ce que vous avancez, suppliez-le de faire fouiller sur-le-champ ce scélérat. »
Aslan, muni de ces instructions, rentra chez l’émir Khaled ; et l’ayant trouvé tout prêt à se rendre à une revue que devait passer le calife, il le pria de le faire habiller comme lui, et de le mener à la revue. L’émir, qui aimait le jeune Aslan comme s’il eût été réellement son fils, consentit volontiers à sa demande. Ils se rendirent dans une plaine hors de la ville, où le calife avait fait dresser des tentes et des pavillons magnifiques. Toute la cour s’y trouva rassemblée, et l’armée y était déjà rangée en bataille.
Pendant la revue, Aslan se tint constamment auprès de l’émir Khaled. Après quelques évolutions militaires, on voulut donner au prince le spectacle du jeu de mail. On apporta des boules et des mails, et plusieurs cavaliers se mirent à faire preuve d’adresse en se renvoyant réciproquement les boules.
Parmi ces cavaliers, se trouvait un homme envoyé secrètement par des ennemis du calife, et qui était venu dans le dessein de le tuer. Il saisit une boule, et la frappa de toutes ses forces, en la dirigeant droit au visage du prince. Aslan, attentif à tout ce qui se passait autour du calife, détourna le coup, et renvoya la boule avec tant de vigueur vers celui qui l’avait lancée, qu’il l’atteignit au milieu de la poitrine, et le renversa de dessus son cheval.
Le calife s’aperçut du danger qu’il avait couru, et dit tout haut : « Béni soit celui à qui je suis redevable de la vie. » Le jeu cessa aussitôt ; tous les officiers descendirent de cheval ; et lorsqu’on eut apporté des siéges, le calife ordonna de faire comparaître devant lui le téméraire qui avait osé diriger la boule sur sa personne.
« Cavalier, lui dit-il, qui a pu te pousser à commettre un pareil attentat ? Es-tu ami ou ennemi ? »
« Ennemi, répondit fièrement le cavalier, et j’en voulais à ta personne. »
« Pour quelle raison, demanda le prince ? Tu n’es donc pas un vrai Musulman ? »
« Non pas Musulman comme tu l’entends, répondit-il ; mais je me fais gloire d’être sectateur d’Aly. »
À ces mots, le calife rempli d’indignation, ordonna qu’on le fît mourir sur-le-champ. Se tournant ensuite vers Aslan : « Brave jeune homme, lui dit-il, je te dois la vie, demande-moi ce que tu voudras. »
« Souverain Commandeur des croyants, dit Aslan en s’inclinant respectueusement, je vous conjure de me venger de l’assassin de mon père. » « Mais ton père, le voilà, reprit le prince en montrant l’émir Khaled, et Dieu merci il se porte bien. »
« Vous êtes dans l’erreur, Sire, repartit Aslan, l’émir Khaled n’est que mon père adoptif : je suis le fils de l’infortuné Alaeddin Aboulschamat. » « Le fils d’un traître, dit vivement le calife ! »
« Mon père, répondit Alaeddin, ne fut jamais un traître, mais bien le plus fidèle et le plus dévoué de vos serviteurs. » « Ne m’a-t-il pas volé mon manteau et mes bijoux les plus précieux, dit le calife ? »
« Souverain Commandeur des croyants, dit Aslan avec fierté, mon père ne fut jamais un voleur. Je supplie votre Majesté de me dire si son flambeau d’or, enrichi de pierreries, s’est trouvé parmi les bijoux qu’on lui a rapportés. » « Je n’ai jamais pu le retrouver, répondit le calife surpris de cette demande. »
« Eh bien, Sire, continua Aslan, je l’ai vu ce flambeau entre les mains d’Ahmed Comacom. Je le lui ai demandé ; mais il n’a pas voulu me le donner. Ce flambeau, a-t-il dit, a déjà coûté la vie à quelqu’un. »
Là-dessus Aslan raconta au calife la passion d’Habdalum, fils de l’émir Khaled pour la jeune esclave Jasmin, et la maladie qui en fut la suite ; de quelle manière Ahmed Comacom était sorti de prison, et comment il avait volé le manteau royal, le flambeau d’or et les autres bijoux. « Sire, ajouta-t-il en terminant son récit, je vous conjure donc encore une fois, par tout ce qu’il y a de plus sacré, de me venger de l’assassin de mon père. »
Le calife donna aussitôt l’ordre d’arrêter Ahmed Comacom, et de l’amener en sa présence. Lorsqu’il aperçut ce scélérat, il se tourna vers ses gardes, et chercha des yeux Ahmed Aldanaf. Ne le voyant pas, il dépêcha quelqu’un pour le faire venir ; et quand il parut, il lui commanda de fouiller Comacom.
Aldanaf ayant porté la main dans le sein de Comacom, en retira le flambeau d’or, enrichi de pierreries, À cette vue, le calife irrité, s’écria : « Traître, d’où te vient ce bijou ? » « Je l’ai acheté, répondit effrontément Comacom. » « Tu es un imposteur, dit le prince avec indignation ; c’est pour faire périr Alaeddin Aboulschamat, le plus fidèle de mes serviteurs, que tu as commis une pareille atrocité. »
Le calife ordonna aussitôt qu’on donnât la bastonnade à Comacom. Après quelques coups, il avoua qu’il était l’auteur du vol, et fut conduit en prison.
Le calife soupçonnant que l’émir Khaled était de connivence avec Comacom, voulait aussi le faire arrêter. « Souverain Commandeur des croyants, dit le wali, je suis innocent du crime dont vous me soupçonnez : je n’ai fait qu’exécuter vos ordres en conduisant Alaeddin à la mort, et je vous jure que je n’ai eu aucune connaissance de la trame ourdie contre lui. Ahmed Comacom aura imaginé cet affreux stratagème pour s’emparer de l’esclave Jasmin ; mais je n’en ai aucune connaissance. »
Le wali en achevant ces mots, se tourna vers Aslan, et lui dit : « Si vous êtes sensible à l’amour que je vous ai témoigné, et au soin que j’ai pris de vous depuis votre enfance jusqu’à ce jour, c’est à vous d’interceder pour moi. »
Le jeune homme, touché de la situation où il voyait son bienfaiteur, s’empressa d’implorer la clémence du calife en sa faveur. Ce prince demanda au wali ce qu’était devenue Jasmin, mère d’Aslan ? Ayant appris qu’elle était toujours restée chez lui : « Ordonnez, lui dit-il, à votre femme de la faire habiller d’une manière convenable au rang que tenait son époux, et de lui rendre sur-le-champ la liberté. Pour vous, allez lever les scellés que vous avez mis dans le palais d’Alaeddin, et faites rendre à son fils tous les effets, et toutes les richesses qu’il possédait. »
Le wali exécuta ponctuellement les ordres du calife. Il se rendit chez lui, et prescrivit à sa femme de remettre Jasmin en liberté, et de l’habiller convenablement ; ensuite il alla lui-même lever les scellés qui étaient sur les effets d’Alaeddin, et remit toutes les clefs du palais à Aslan.
Le calife, non content de ces actes de justice, dit à Aslan de lui demander, encore une fois, ce qu’il voudroit, et qu’il le lui accorderait sur-le-champ. Aslan ayant répondu qu’il n’avait qu’une chose à désirer, c’était de revoir son père. « Hélas, mon fils, dit le prince les yeux baignés de larmes, ton père n’est plus ! Que je voudrais moi-même qu’il fût encore en vie, et que je donnerais volontiers à celui qui m’annonceroit cette bonne nouvelle, tout ce qu’il pourrait me demander ! »
À ces mots, Ahmed Aldanaf s’étant prosterné aux pieds du calife : « Souverain Commandeur des croyants, dit-il, puis-je parler sans crainte ? » « Vous le pouvez, répondit le prince. »
« J’ose assurer votre Majesté, reprit Ahmed, qu’Alaeddin Aboulschamat est plein de vie, et se porte parfaitement bien. » « Que dites-vous là, s’écria le calife en reculant de surprise ! » « Sire, reprit Aldanaf, je jure par votre tête sacrée que je viens de dire la vérité. J’ai arraché à la mort Alaeddin en faisant exécuter un criminel à sa place ; et je l’ai conduit à Alexandrie, où je lui ai acheté une boutique. » « Je veux le voir, dit le calife, transporté de joie ; partez sur-le-champ pour Alexandrie, et amenez-le ici. » Ahmed Aldanaf s’inclina profondément, en témoignant qu’il était prêt à obéir, et qu’on ne pouvait le charger d’une commission plus agréable. Le prince lui fit remettre une bourse de mille pièces d’or, et il se mit en route pour Alexandrie.
Alaeddin Aboulschamat s’occupait dans cette ville à vendre les divers objets qui garnissaient sa boutique. Il en avait déjà vendu un grand nombre, lorsqu’il aperçut, dans un coin assez obscur, une petite bourse de cuir ; l’ayant ramassée et secouée, il en vit sortir une pierre précieuse assez grosse pour remplir le creux de la main, et qui était suspendue à une petite chaîne d’or. Cette pierre avait cinq faces, sur chacune desquelles étaient gravés des noms et des caractères magiques assez semblables aux traces que les fourmis font en rampant sur la poussière. Surpris de trouver chez lui un pareil bijou, Alaeddin reconnut aisément que c’était un talisman ; mais il eut beau en frotter les cinq faces, aucun génie ne parut à ses ordres. Rebuté de voir tous ses efforts inutiles, il la suspendit dans sa boutique, et se mit à rêver à la situation où il se trouvait.
Un consul, ou négociant franc, qui passait dans la rue, ayant aperçu la perle qu’Alaeddin venait de suspendre, s’approcha de sa boutique, et lui demanda si cette perle était à vendre ? « Tout ce qui est dans ma boutique est à vendre, Seigneur, répondit Alaeddin. » « Eh bien, dit le consul, je vous en offre quatre-vingt mille ducats. » « Je ne veux point la céder à ce prix. » « En voulez-vous cent mille ? »
« Je les accepte, dit Alaeddin, ébloui d’une pareille offre. » « Bien vendre et bien livrer, reprit le consul, c’est tout ce que peut faire un marchand ; actuellement c’est à moi à vous payer. » « Je suis prêt à recevoir votre argent, répondit Alaeddin. » « Vous sentez, continua le consul, que je ne puis vous apporter une pareille somme. Vous n’ignorez pas que la ville d’Alexandrie est remplie de brigands et de soldats insolents ; mais si vous voulez vous donner la peine de venir jusqu’à mon vaisseau, je vous gratifierai, par-dessus le marché, d’une pièce de camelot, d’une pièce de satin, d’une autre de velours, et d’une de drap à votre choix. »
Alaeddin ayant consenti à cette proposition, remit la pierre précieuse entre les mains du consul, ferma sa boutique, et en confia les clefs à un de ses voisins, en le priant de vouloir bien s’en charger jusqu’à son retour. « Je vais, lui dit-il, accompagner ce consul à son vaisseau, pour toucher le prix d’une pierre que je viens de lui vendre ; si par hasard je tardais un peu, et que le seigneur Ahmed Aldanaf, qui m’a amené ici, et établi dans cette boutique, arrivât pendant mon absence, je vous prie de lui remettre les clefs, et de l’informer de la raison pour laquelle je suis sorti. »
Alaeddin suivit donc le consul jusqu’à son vaisseau. Dès qu’ils furent montés à bord, on leur présenta des siéges ; le consul se fit apporter sa cassette, en tira la somme convenue, et la remit à Alaeddin, ainsi que les quatre pièces d’étoffes qu’il lui avait promises. « Voudriez-vous, lui dit-il ensuite, me faire le plaisir d’accepter un morceau, et de vous rafraîchir ? » « Je prendrai volontiers une tasse de sorbet, si vous en avez, répondit Alaeddin. »
Le consul, ou plutôt le capitaine, qui s’était déguisé en marchand pour mieux tromper Alaeddin, fit signe à un de ses domestiques d’apporter le sorbet ; mais il avait eu soin d’y jeter auparavant une poudre soporifique dont Alaeddin ressentit l’effet sur-le-champ ; car il n’eut pas plutôt vuidé la tasse, qu’il tomba à la renverse sur son siége.
Les matelots, prévenus de ce qu’ils devaient faire, levèrent aussitôt l’ancre, et déployèrent les voiles. Le vent, qui les favorisait, les porta bientôt en pleine mer. Le capitaine ayant ordonné d’emporter Alaeddin de dessus le tillac, et de le descendre dans le vaisseau, lui fit respirer une poudre dont la vertu détruisait l’effet de celle qu’il avait prise.
Alaeddin, en ouvrant les yeux, demanda avec étonnement où il était ? Le consul, devenu capitaine, lui répondit avec un sourire amer : « Vous êtes maintenant en mon pouvoir. » « Qui êtes-vous, lui demanda Alaeddin ? » « Je suis le capitaine de ce vaisseau, répondit le franc, et je suis venu exprès de Gênes à Alexandrie pour vous enlever, et vous conduire à la bien aimée de mon cœur. »
On signala quelques jours après un vaisseau marchand, monté par quarante négociants d’Alexandrie. Le capitaine commanda aussitôt de lui donner la chasse. L’ayant atteint, et pris à l’abordage, il le fit remorquer, et continua sa route vers la ville de Gênes.
Avant d’entrer dans le port, le capitaine se fit descendre à terre, et s’avança seul vers la porte d’un palais qui donnait sur le bord de la mer. Une jeune dame, couverte d’un grand voile, et dont il était impossible de distinguer les traits, s’étant présentée à cette porte, lui demanda s’il apportait la pierre précieuse, et s’il avait amené avec lui celui qui en était possesseur. Le capitaine lui dit qu’il avait heureusement exécuté les ordres qu’elle lui avait donnés, et lui remit la pierre précieuse entre les mains. Il revint ensuite au vaisseau, qui entra triomphant dans le port.
Le roi du pays ayant été informé de l’arrivée du capitaine, se rendit sur son bord, accompagné de ses gardes, et lui demanda si son voyage avait été heureux ? Très-heureux, répondit le capitaine ; car j’ai capturé un vaisseau marchand, monté par quarante et un Musulmans. Le roi ordonna qu’on les fît descendre à terre. Ils sortirent du vaisseau, enchaînés deux à deux, traversèrent une partie de la ville, et furent conduits au divan. Le roi les suivait à cheval, accompagné du capitaine et des principaux seigneurs de sa cour.
Le roi s’étant assis sur son trône, et ayant fait placer le capitaine à côté de lui, sur un siége plus bas, fit avancer les pauvres Musulmans, et demanda au premier qui se présenta, d’où il était ? Il n’eut pas plutôt répondu qu’il était d’Alexandrie, que le bourreau, d’après un signal du prince, lui fit voler la tête de dessus les épaules. Le second, le troisième et les suivants, jusqu’au quarantième, ayant tous fait la même réponse, éprouvèrent le même sort.
Il ne restait plus qu’Alaeddin Aboulschamat, qui, témoin du triste sort de ses compagnons d’infortune, déplorait leur commun malheur, et attendait son tour, en priant Dieu d’avoir pitié de lui. « C’en est fait de toi, pauvre Alaeddin, disait-il en lui-même ; dans quel maudit piége t’es-tu laissé prendre ? » « De quel pays es-tu, Musulman, lui demanda le roi d’un air sévère ? » « D’Alexandrie, répondit-il. » « Bourreau, faites votre devoir, cria le roi. »
Déjà le bourreau avait le bras levé, et allait abattre la tête d’Alaeddin, lorsqu’une vieille religieuse s’avança tout-à-coup jusqu’au pied du trône ; et s’adressant au roi qui s’était levé ainsi que toute l’assemblée pour lui faire honneur :
« Prince, lui dit-elle, ne vous avais-je pas dit de penser au couvent, lorsque le capitaine amènerait quelques captifs, et d’en réserver un ou deux pour le service de l’église ? »
« Vous venez un peu tard, ma mère, répondit le roi ; cependant en voici encore un qui reste, vous pouvez en disposer. »
La religieuse s’étant tournée vers Alaeddin, lui demanda s’il voulait se charger du service de l’église, ajoutant que s’il ne voulait pas s’en charger, elle allait le laisser mettre à mort comme ses autres camarades. Alaeddin consentit à suivre la religieuse, qui sortit avec lui de l’assemblée, et le conduisit sur-le-champ à l’église.
Arrivé sous le vestibule, Alaeddin demanda à sa conductrice quelle était l’espèce de service qu’elle exigeait de lui ?
« Au point du jour, lui dit-elle, vous prendrez cinq mulets que vous conduirez dans la forêt voisine, et là, après avoir abattu et fendu du bois sec, vous les en chargerez, et vous le rapporterez à la cuisine du couvent. Ensuite vous ramasserez les nattes et les tapis, vous les battrez et les brosserez ; et après avoir balayé et frotté le pavé de l’église et les marches des autels, vous étendrez les tapis et les replacerez comme ils étaient. Après cela, vous criblerez deux boisseaux de froment, vous les moudrez, et après avoir pétri la farine vous en ferez de petits pains pour les religieux du couvent ; puis vous éplucherez vingt-quatre boisseaux de lentilles, et vous les ferez cuire ; vous remplirez d’eau les quatre bassins, et vous en porterez dans les trois cent soixante auges de pierre qui sont dans la cour. Quand cela sera fait, vous nettoierez les verres des lampes, vous les remplirez d’huile, et vous aurez grand soin de les allumer au premier coup de la cloche ; ensuite vous préparerez trois cent soixante-six écuelles, dans lesquelles vous couperez vos petits pains, vous verserez dessus le bouillon des lentilles, et vous irez porter une écuelle à chaque religieux et à chaque prêtre du couvent. Ensuite… »
« Ah, Madame, s’écria Alaeddin en l’interrompant, remenez-moi, de grâce, au roi, et qu’il me fasse mourir s’il le veut ! »
« Rassurez-vous, lui dit la religieuse : si vous vous acquittez exactement de votre devoir, je vous promets que tout ira bien, et que vous ne vous en repentirez pas ; si au contraire vous mettiez de la négligence dans votre service, je me verrais forcée de vous remettre entre les mains du roi qui vous ferait mourir sur-le-champ. »
La religieuse l’ayant quitté dans ce moment, Alaeddin fut s’asseoir dans un coin, et se mit à rêver à sa triste situation. Il y avait dans cette église dix pauvres aveugles estropiés. Un d’entr’eux ayant entendu marcher Alaeddin, le pria de lui donner le pot-de-chambre. Alaeddin se vit obligé de lui donner le pot-de-chambre, et de le vuider ensuite. « Dieu bénisse, dit l’aveugle, le serviteur de cette église. »
La vieille religieuse étant rentrée sur ces entrefaites, demanda avec humeur à Alaeddin pourquoi il ne s’était pas acquitté de tous ses devoirs ? » Eh, Madame, répondit-il, quand j’aurais cent bras, il me serait impossible de faire tout ce qu’on exige de moi ! » « Pourquoi donc, imbécille, vous ai-je amené ici, reprit la vieille ? N’est-ce pas pour faire ce que je vous ai prescrit ? »
La vieille religieuse se radoucit un peu, et dit à Alaeddin : « Prenez, mon fils, prenez ce bâton (c’était un bâton de cuivre, au haut duquel était une croix) ; sortez de l’église, et si vous rencontrez le wali de cette ville, arrêtez-le, et dites-lui : « Je te requiers pour le service de l’église : prends ces cinq mules, et va dans la forêt les charger de bois sec. » S’il fait résistance, tuez-le sur-le-champ sans rien craindre ; car je me charge des conséquences que cela pourrait avoir. Si vous apercevez le grand visir, courez à lui, frappez la terre avec ce bâton devant son cheval, et dites-lui : « Je vous somme, au nom du Messie, de faire ce que le service de l’église exige. » Vous obligerez ainsi le visir de cribler le blé, de le moudre, de tamiser la farine, de la pétrir, et d’en faire de petits pains ; et quiconque refusera de vous obéir, tuez-le sur-le-champ sans crainte ; car je me charge de tout. »
Alaeddin ne manqua pas, dès le lendemain, de profiter de l’avis que venait de lui donner la vieille. Aucun de ceux auxquels il s’adressa, n’osèrent se refuser à ce qu’il exigeait d’eux, et il se vit par-là soulagé des ouvrages les plus pénibles. Il passa ainsi dix-sept ans, contraignant à son gré, et mettant en réquisition les grands et les petits pour le service du monastère. Un jour qu’il était occupé à laver et à frotter le pavé de l’église, la vieille religieuse entra, et lui commanda brusquement de s’éloigner.
« Où voulez-vous que j’aille, lui répondit-il ? » « Il faut, mon ami, dit la vieille, que vous alliez passer la nuit à la taverne, ou chez quelqu’un de vos amis. » « Pourquoi donc, repartit Alaeddin, voulez-vous me faire sortir de l’église ? » « C’est, répondit la vieille, parce que la fille du roi de cette ville veut venir faire ses prières ce soir ; et comme il n’est permis à personne de se trouver sur son passage, je me vois forcée de vous congédier pour cette nuit. »
Ce discours excita la curiosité d’Alaeddin, qui dit en lui-même, tout en faisant semblant d’obéir à l’ordre de la religieuse : « Je me garderai bien de sortir de cette église à laquelle je suis attaché depuis si long-temps, dans une circonstance aussi intéressante ; je veux jouir de la vue de la princesse, et savoir si les femmes de ce pays ressemblent aux nôtres, ou bien si elles les surpassent en beauté. » Alaeddin, au lieu de sortir de l’église, chercha un endroit favorable à son dessein, et se cacha dans un coin, d’où il pouvait tout observer à son aise.
La princesse ne tarda pas à paraître. Alaeddin, ébloui de sa beauté, soupira plusieurs fois, et crut voir la lune dans tout son éclat sortir du sein des nuages. Après l’avoir long-temps considérée, il porta ses regards sur une femme qui l’accompagnait, et entendit la princesse qui lui disait : « Eh bien, ma chère Zobéïde, commencez-vous à vous accoutumer à vivre avec moi ? » Alaeddin, ayant entendu prononcer le nom de Zobéïde, fixa plus attentivement la jeune dame ; mais quelle fut sa surprise en reconnaissant son épouse, sa chère Zobéïde, qu’il croyait morte depuis si long-temps !
La princesse prit alors une guitare, et la présentant à Zobéïde, la pria de chanter un air en s’accompagnant de cet instrument. « Il m’est impossible de chanter, Madame, répondit Zobéïde, avant que vous ayez accompli la promesse que vous m’avez faite depuis si long-temps ? » « Que vous ai-je donc promis, reprit la princesse ? » « Vous m’avez promis, Madame, repartit Zobéïde, de me réunir à mon époux, à mon fidèle Alaeddin Aboulschamat. » « Cessez de vous affliger, Zobéïde, dit la princesse, et livrez-vous à la joie. L’instant qui doit vous réunir à ce que vous avez de plus cher n’est peut-être pas si éloigné que vous le pensez. Chantez-nous donc un air vif et gai pour célébrer cette heureuse réunion. » « Où est-il, où est-il, demanda vivement Zobéïde ? » « Il est dans ce coin, lui répondit tout bas la princesse qui avait aperçu Alaeddin, et il ne perd pas un mot de notre entretien. »
Zobéïde, au comble de la joie de ce qu’elle venait d’apprendre, et pouvant à peine retenir ses transports, chanta un air si tendre, et s’accompagna d’une manière si ravissante, qu’Alaeddin, hors de lui, s’élança tout-à-coup vers elle, et la serra contre son cœur. Zobéïde et son époux, trop foibles pour soutenir les mouvements tumultueux et passionnés qui s’élevaient dans leurs âmes, tombèrent sans sentiment dans les bras l’un de l’autre.
La princesse et ses femmes s’empressèrent de les secourir. Lorsqu’ils furent revenus à eux, la princesse les félicita sur leur réunion.
« Madame, lui dit Alaeddin, c’est à vous, je le vois, que je suis redevable de mon bonheur. » Jetant ensuite des regards passionnés sur son épouse : « Vous respirez encore, ma chère Zobéïde, lui dit-il ! »
« Jamais, cher époux, répondit-elle d’une voix émue, je n’ai cessé de vivre et de soupirer après l’instant qui devait nous réunir. Je fus dérobée à votre amour, et transportée en ces lieux par un de ces génies qui obéissent aux ordres des génies qui sont au-dessus d’eux. Le fantôme que vous prîtes pour moi était celui d’un autre génie, qui ayant pris ma taille et mes traits, feignit d’être mort. Quand vous l’eûtes déposé dans le tombeau, il en sortit aussitôt après, et revint trouver sa souveraine, la princesse Husn Merim, ma bienfaitrice, que vous voyez devant vous. Lorsque j’ouvris les yeux, et que je l’aperçus à mes côtés, je lui demandai pourquoi l’on m’avait amenée ici ?
« Madame, me répondit-elle, le sort me destine à devenir l’épouse d’Alaeddin Aboulschamat ; daignez me permettre de partager avec vous son cœur. Je viens de découvrir, par la puissance de mon art, qu’un grand malheur est prêt à fondre sur sa tête ; et comme il m’est impossible de m’y opposer, j’ai voulu du moins vous en dérober la vue, et je vous ai fait transporter ici pour pouvoir nous consoler mutuellement d’une séparation qui n’aura qu’un temps. Vos talents pour la musique charmeront nos ennuis, ajouta-t-elle obligeamment. »
« Je suis donc restée auprès de cette aimable princesse, jusqu’au moment où je viens de vous retrouver dans cette église. »
Husn Merim, s’adressant alors à Alaeddin, lui demanda s’il consentait à la recevoir pour épouse ? « Hélas, Madame, répondit-il, je suis Musulman, et vous êtes Chrétienne ! » « La bonté de Dieu a levé cet obstacle, Seigneur, dit la princesse : il y a déjà dix-huit ans que je suis Musulmane ; et pénétrée des principes de l’Islamisme, je le regarde comme la seule véritable religion. » « Je voudrais, reprit alors Alaeddin en soupirant, retourner à Bagdad ! »
« Seigneur, répliqua la princesse, c’est l’arrêt du destin, et bientôt vos vœux seront accomplis. Ayant découvert les malheurs qui vous menaçoient, et auxquels il ne m’était pas permis de vous soustraire, j’ai attendu que le cours en fût terminé. Maintenant je puis vous apprendre des choses que vous ignorez, et qui vont vous combler de joie. Sachez donc, Seigneur, que vous avez un fils âgé de dix-huit ans, nommé Aslan, qui remplit le poste que vous occupiez auprès du calife. La vérité a paru dans tout son jour ; et les complots de la méchanceté et de la perfidie ont été confondus. Dieu a fait retomber sur la tête du coupable le châtiment dû à son crime. On a découvert celui qui a volé les effets du calife. C’est l’infame Ahmed Comacom, qui maintenant est chargé de fers, et enfermé dans un noir cachot. Sachez, Seigneur, que c’est moi qui vous ai fait parvenir la pierre précieuse, renfermée dans la petite bourse de cuir que vous avez trouvée dans votre boutique. C’est moi qui ai donné l’ordre au capitaine de me rapporter cette pierre précieuse, et de vous amener avec lui. Ce capitaine, épris du peu d’attraits que le ciel m’a donné en partage, voulait m’épouser ; mais je lui déclarai que jamais je ne le rendrais maître de ma personne, à moins qu’il ne m’apportât la pierre, et ne m’amenât celui qui en était le possesseur. Je lui donnai cent bourses pour la racheter, et le fis partir, déguisé en négociant. Quand le roi mon père, après la mort de vos quarante compatriotes, voulut vous faire trancher la tête, c’est encore moi qui envoyai cette vieille religieuse pour vous sauver la vie. »
« Ah, Madame, s’écria Alaeddin, combien ne vous dois-je pas ! Le don de votre main mettra le comble à tous vos bienfaits. »
Après que la princesse eut renouvelé entre les mains d’Alaeddin sa profession de foi et d’attachement à la religion de Mahomet, il la pria de lui faire connaître les vertus de la pierre précieuse qu’elle possédait, et de quelle manière elle était d’abord parvenue entre ses mains ?
« Seigneur, répondit la princesse, cette pierre est un véritable trésor. Elle est douée de cinq propriétés que je vous ferai connaître, et qui nous serviront en temps et lieu. La mère du roi mon père, instruite dans tous les secrets de l’art magique, sachant déchiffrer parfaitement les talismans les plus compliqués, et pouvant pénétrer à son gré dans les trésors de tous les rois de la terre, la trouva un jour par hasard dans un trésor où elle était conservée avec le plus grand soin. Quand je fus devenue grande, et que j’eus atteint ma quatorzième année, on me fit étudier l’Évangile ; mais ayant lu le nom de Mahomet (que Dieu répande sur lui ses grâces et ses bénédictions !) dans les livres sacrés du Pentateuque, des Évangiles, des Pseaumes et du coran, je crus en lui ; je devins Musulmane, et je fus intimement convaincue qu’on ne pouvait adorer, d’une manière convenable, le Dieu très-haut, que dans la religion Musulmane, qui est la seule véritable religion. Ma grand’mère étant tombée malade, me donna cette pierre précieuse, et m’en découvrit les cinq vertus. La maladie de ma grand’mère ayant augmenté, mon père vint la voir comme elle était sur le point d’expirer, et la supplia de lui découvrir, par la puissance de son art, quels étaient les événements qui devaient lui arriver, et de quelle manière sur-tout il terminerait sa carrière ? »
« Mon fils, lui dit-elle, il vaudrait mieux pour vous ignorer l’avenir que de chercher à le pénétrer ; mais puisque vous me forcez, par vos prières, à vous dire la vérité, sachez que vous devez périr de la main d’un étranger qui viendra d’Alexandrie. »
« Mon père jura dès-lors de faire mourir tous les habitants d’Alexandrie qui tomberaient au pouvoir de ses sujets. Il fit venir le capitaine qui vous a conduit ici, lui ordonna d’attaquer tous les vaisseaux Musulmans qu’il rencontrerait, de s’en emparer, et de mettre à mort tous les prisonniers qu’il reconnaîtrait pour être d’Alexandrie. Le barbare capitaine ne se conforma que trop bien à cet ordre sanguinaire ; car il a déjà fait périr autant de Musulmans qu’il a de cheveux à la tête. Après la mort de ma grand’mère, je voulus connaître quel était celui que le ciel me destinait pour époux ; et par les secrets de mon art, je reconnus que ce devait être le seigneur Alaeddin Abouschamat, le confident et l’ami du calife Haroun Alrashid. Les temps sont accomplis, Seigneur, et je m’estime heureuse de toucher au moment qui doit combler tous mes vœux. »
Alaeddin, surpris et touché de ce discours, fit éclater sa joie de devenir l’époux d’une princesse qui lui avait rendu de si grands services, et que le ciel avait comblée de tant de faveurs ; mais en même temps il lui témoigna de nouveau le vif désir qu’il avait de retourner à Bagdad. La princesse lui dit qu’elle allait tout préparer pour leur départ, et le pria de la suivre. Elle le conduisit au palais par des chemins qu’elle seule connaissait, l’enferma dans un des cabinets de son appartement, et se rendit chez son père.
Ce prince était alors à table. Il montra beaucoup de joie de voir sa fille, et l’invita à rester auprès de lui pour lui tenir compagnie. Husn Merim y ayant consenti, le roi fit retirer tout le monde, et s’enferma seul avec elle. La princesse, profitant de la circonstance et de la bonne humeur où elle le voyait, lui versa si souvent à boire qu’elle parvint à l’enivrer. Lorsqu’elle le vit au point où elle le souhaitait, elle lui présenta un verre de liqueur, dans lequel elle avait jeté une certaine dose d’une poudre assoupissante. Le prince ne l’eut pas plutôt vuidé, qu’il tomba à la renverse, privé de sentiment.
La princesse courut aussitôt à son appartement, fit sortir Alaeddin du cabinet où elle l’avait caché, et lui raconta ce qu’elle venait de faire. Alaeddin se fit aussitôt conduire à l’appartement du prince, lui lia fortement les pieds et les mains, et lui fit respirer une poudre propre à dissiper l’effet de celle qu’il avait avalée.
En reprenant ses esprits, le roi fut très-étonné de se trouver garrotté, et de voir un étranger qu’il ne reconnaissait pas. Alaeddin, prenant aussitôt la parole, lui reprocha sa cruauté envers les Musulmans, et lui dit que le seul moyen d’expier tant de crimes, était d’embrasser l’Islamisme. Le roi rejeta cette proposition avec horreur, et s’emporta en blasphèmes contre Mahomet. Alaeddin ne pouvant alors contenir son indignation, tira son poignard, lui en perça le cœur, et l’étendit mort à ses pieds.
Alaeddin écrivit ensuite un billet, dans lequel il exposait brièvement les événements qui venaient d’avoir lieu, et la manière merveilleuse dont Dieu avait puni la barbarie du roi. Il déposa ce billet sur le front du cadavre, et retourna joindre la princesse.
Husn Merim s’était emparée, pendant ce temps-là, des objets les plus précieux, et ne songeait plus qu’à s’éloigner. Elle prit la pierre précieuse qu’elle gardait soigneusement, et ayant fait remarquer à Alaeddin un sofa gravé sur une des facettes, elle frotta un peu cette facette ; aussitôt un sofa parut devant eux. Elle s’y assit la première, fit asseoir à ses côtés Alaeddin et Zobéïde, et prononça ces paroles : Par la vertu des caractères magiques tracés sur cette pierre, je souhaite que ce sofa s’élève dans les airs. Sur-le-champ le sofa s’éleva dans les airs, et les porta rapidement au-dessus d’une vallée profonde. La princesse ayant tourné vers la terre la face de la pierre où le sofa était gravé, et les quatre autres vers le ciel, ils descendirent aussitôt avec rapidité dans la vallée. La princesse alors frotta la face qui représentait une tente ; et ils virent se dresser devant eux, une tente superbe sous laquelle ils se mirent à couvert.
Comme la vallée où ils se trouvaient n’était qu’un désert affreux, où il n’y avait pas une seule goutte d’eau, la princesse tourna quatre faces de la pierre vers le ciel, et mit au-dessous celle qui représentait un fleuve, en souhaitant de le voir paraître. Ils aperçurent aussitôt une vaste étendue d’eau dont les vagues s’entre-heurtaient, et venaient se briser à leurs pieds. Après s’être lavés et purifiés dans cette eau merveilleuse, ils firent leur prière, et se désaltérèrent. Ensuite la princesse frotta la face où était représentée une table toute servie, et souhaita de la voir paraître. Aussitôt une table, chargée des mets les plus délicats, et les plus recherchés, se trouva dressée devant eux ; ils s’en approchèrent, et se mirent à manger et à boire, en s’entretenant du bonheur qu’ils allaient bientôt goûter.
Cependant le fils du roi étant entré le lendemain dans l’appartement de son père, recula d’abord d’horreur en le trouvant baigné dans son sang. S’étant ensuite approché, et ayant aperçu le petit billet qu’Alaeddin avait écrit, il le ramassa, et le lut. Rempli d’étonnement et d’indignation, il courut aussitôt chez sa sœur ; mais ne l’ayant pas trouvée, il se rendit précipitamment à l’église pour questionner la vieille religieuse. Ayant appris qu’elle n’avait pas vu la princesse ni Alaeddin depuis la veille, il rassembla un grand nombre de soldats, leur raconta ce qui venait de se passer, et leur commanda de monter à cheval sur-le-champ pour poursuivre les fugitifs. S’étant mis à leur tête, ils firent tant de diligence, qu’ils arrivèrent en peu de temps à la vallée, et aperçurent de loin la tente sous laquelle la princesse, Alaeddin et Zobéïde se reposaient.
Husn Merim ayant en ce moment levé les yeux, aperçut un nuage épais de poussière, et reconnut bientôt son frère, à la tête d’une troupe de soldats qui criaient : « Arrêtez, perfides, vous ne pouvez maintenant nous échapper ! » Elle se tourna vers Alaeddin, et lui demanda s’il était en état de tenir tête à tous ces gens-là ?
« Hélas, Madame, répondit Alaeddin, je n’ai jamais combattu de ma vie ; et quand je serais le plus vaillant des hommes, il me serait impossible de résister à tant de monde ! »
La princesse ayant frotté un côté de la pierre précieuse qui représentait un cheval et un cavalier, on vit aussitôt sortir du sein de la terre un cavalier tout armé, qui chargea avec tant de furie le prince et ses soldats, qu’il les dispersa, et les mit en fuite en un clin d’œil.
Lorsque le repas fut terminé, la princesse demanda à Alaeddin où il voulait se rendre ? Alaeddin lui ayant répondu que son intention était de se rendre d’abord à Alexandrie, ils se replacèrent sur le sofa, qui les transporta en un instant dans une caverne aux environs de cette ville, où ils s’arrêtèrent. Alaeddin alla chercher de grands voiles pour les dames. Il les fit ensuite entrer dans la ville, et les conduisit à sa boutique, où ils trouvèrent Ahmed Aldanaf.
Ahmed fut charmé de revoir Alaeddin. Il lui raconta, dans le plus grand détail, tous les événements qui s’étaient passés depuis qu’il avait été obligé de s’éloigner de Bagdad, et lui fit part des dispositions du calife à son égard, et du désir que son fils Aslan avait de le voir.
Alaeddin, de son côté, surprit beaucoup Ahmed Aldanaf par le récit de ses aventures. S’étant défait le lendemain de sa boutique, il ne songea plus qu’à continuer son voyage. Quoiqu’il eût le plus grand désir d’embrasser son fils, et de se rendre aux instances du calife, qui le pressait de revenir à la cour, il résolut néanmoins d’aller auparavant au Caire pour voir son père et sa mère. Ils se placèrent en conséquence tous ensemble sur le sofa, qui les déposa en un clin d’œil dans une rue du Caire assez étroite.
Alaeddin ayant frappé à la porte de la maison où il avait passé son enfance, entendit avec un plaisir inexprimable la voix de sa mère, qui demanda, sans ouvrir : « Qui est là ? Que veut-on à d’infortunés parens qui ont perdu ce qu’ils avoient de plus cher au monde ? » « C’est votre fils Alaeddin, lui cria-t-il. » « Alaeddin, dit-elle avec un soupir, est mort il y a long-temps ! » « Ma mère, dit-il en élevant la voix, de grâce, ouvrez-moi, je suis votre fils Alaeddin. »
À ces mots, qui pénétrèrent son âme de la joie la plus vive, la pauvre mère ouvrit la porte avec précipitation. Son fils se jeta dans ses bras, et ne s’en arracha que pour tomber dans ceux de son père. Quand les premiers transports de la joie et de la tendresse se furent calmés, Alaeddin présenta à ses parens ses deux épouses, et son ami Ahmed Aldanaf.
Au bout de trois jours, Alaeddin témoigna à ses parens le désir qu’il avait de se rendre avec eux à Bagdad. Ils voulurent d’abord l’engager à rester au Caire ; mais Alaeddin leur ayant représenté qu’il était obligé de retourner à la cour, ils consentirent à le suivre. Alaeddin fit donc tout préparer pour leur départ, et en peu de jours il se rendit à Bagadad avec son père et sa mère, ses deux femmes et Ahmed Aldanaf.
Haroun Alraschid ayant été informé de l’arrivée d’Alaeddin, alla au-devant de lui, accompagné d’Aslan, et des principaux seigneurs de sa cour, et le reçut à bras ouverts. Ayant ensuite fait venir Ahmed Comacom chargé de fers, il dit à Alaeddin : « Je n’ai laissé vivre jusqu’à présent ce scélérat, qu’afin que vous puissiez le punir vous-même. » Enflammé de colère à la vue d’un homme qui avait causé tous ses malheurs, Alaeddin tira son cimeterre, et lui fit voler la tête de dessus les épaules.
Le calife voulut ensuite entendre de la bouche d’Alaeddin le récit des aventures qui lui étaient arrivées depuis le fatal événement qui les avait séparés. Alaeddin s’empressa de le satisfaire. Lorsqu’il eut achevé, le calife le félicita de ce qu’il allait devenir l’époux de la princesse Husn Merim, et voulut que le contrat de mariage fût dressé en sa présence. Il y eut à cette occasion des fêtes et des réjouissances qui durèrent pendant sept jours. Alaeddin fut de nouveau comblé d’honneurs, et son fils devint chef du conseil suprême des Soixante.
Les malheurs que le favori venait d’éprouver, augmentèrent l’attachement que son maître avait pour lui. Il lui témoignait une confiance sans bornes, que rien ne put par la suite altérer.
Alaeddin, heureux à la cour par la faveur constante du calife, ne le fut pas moins dans tout ce qui l’entourait. Jasmin, dont l’amour s’était montré si fidèle, Zobéïde et Husn Merim, vécurent toutes les trois dans la meilleure intelligence, et lui furent toutes également chères.
Scheherazade, en racontant l’histoire d’Alaeddin Aboulschamat, s’était aperçue que le sultan des Indes avait écouté fort attentivement ce qui concernait la princesse Husn Merim, le talisman qu’elle possédait, et ses vertus extraordinaires : elle pensa qu’il n’écouterait pas avec moins de plaisir les aventures merveilleuses d’Abou Mohammed Alkeslan, et s’empressa de les lui annoncer. Le sultan consentit volontiers à entendre le lendemain ce récit.


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